«Attachée à un territoire bien délimité, celui du Charolais-Brionnais, le berceau de la race charolaise, notre production tire son épingle du jeu en se démarquant par sa qualité et son origine », estime Pascal Verchère, éleveur à Saint-Igny-de-Roche, dans le sud de la Saône-et-Loire. En 2018, une douzaine de ses animaux ont été commercialisés sous AOP (1).
Savoir-faire traditionnel
Nés sur l’exploitation et élevés selon un cahier des charges essentiellement à base d’herbe – pâture ou foin –, les bovins sont engraissés dans des prairies préalablement validées par l’Inao (2), après des analyses de sol et de la flore. Une complémentation à base d’un aliment du commerce agréé – lin, pulpe de betteraves, flocon de maïs, luzerne déshydratée et avoine – est apportée au pré, à raison de 6 kg maximum par animal et par jour donnés à l’auge. « Cette année, la mise à l’herbe a été précoce, vers la fin février, observe l’agriculteur. Dans un contexte climatique froid et sec, la qualité de cette petite herbe, grasse et pas trop montante, a été très bonne. Fin avril, certaines bêtes étaient quasiment grasses. »
La phase d’engraissement au pré demande du temps et du doigté. « Nous préparons les bêtes à l’herbe et nous commençons l’engraissement progressivement, avec 3 kg de concentré par jour et par animal, précise Pascal Verchère. Il faut éviter tout stress et à-coups dans la croissance. Avec le changement climatique, nous aurons sans doute plus de mal à obtenir une qualité d’herbe régulière. L’été dernier, à cause de la sécheresse, engraisser a été difficile. À l’avenir, il faudra peut-être réduire nos chargements, 1,1 unité gros bovin par hectare de surface fourragère principale actuellement, et extensifier davantage pour renforcer notre autonomie alimentaire. »
Propriétaire d’un troupeau de cinquante-cinq charolaises, l’éleveur retrouve dans l’AOP Bœuf de Charolles le savoir-faire que ses grands-pères, des emboucheurs du Brionnais, lui avaient inculqué enfant. « À l’époque, ils engraissaient des animaux maigres originaires de régions périphériques, dit-il. Chez eux, je voyais de bonnes bêtes. »
À son installation en 1989, Pascal a repris un troupeau médiocre. « Le challenge de ma carrière a été de constituer un cheptel de qualité. J’ai acheté des taureaux chez de bons sélectionneurs, puis j’ai travaillé avec l’IA (3). Au début, je ne produisais que des bêtes maigres. »
Les premiers animaux finis ont été mis en marché en 1998, après sa rencontre avec un petit groupe d’éleveurs charolais. Ceux-ci travaillaient alors sur l’obtention d’une appellation d’origine pour la viande produite dans la région. « Leur projet correspondait aux valeurs que je souhaitais défendre, explique Pascal, profondément choqué par la crise de la vache folle. Comme eux, je pensais que notre terroir et notre race n’étaient pas assez valorisés. »
Transmettre sa passion
À cinquante-quatre ans, fier de son parcours, l’éleveur commence à réfléchir à la transmission de son exploitation, aucun de ses trois enfants ne se projetant dans le métier. À dix ans de la retraite, il préfère anticiper. Une formation proposée par la chambre d’agriculture fin novembre 2018 l’a amené à s’y préparer, en envisageant l’hypothèse de ne pas trouver de successeur. Une perspective difficile pour cet exploitant qui aimerait passer le relais à un repreneur attiré par le système de production Bœuf de Charolles. « Je sais que ce ne sera pas si simple à trouver, confie-t-il. Mais quand je présente notre filière AOP à des jeunes, ils sont intéressés. Notre mode de production et la qualité de notre produit, reconnue par les plus grands chefs français, correspondent aux attentes des nouvelles générations : respect des hommes, de la nature et des animaux. »
Pascal Verchère se dit même prêt à quitter prématurément l’exploitation au cas où une opportunité se présenterait. Il pourrait alors se consacrer à l’activité de diversification qu’il a développée à partir de 1991, l’élevage d’épagneuls bretons. « J’ai eu la chance d’avoir, dans ma première portée, un mâle de valeur, souligne-t-il. Il fut double champion de France de travail et a remporté trois titres internationaux de travail. » Pascal possède aujourd’hui deux chiens « étalons recommandés ».
Anne Bréhier
(1) Appellation d’origine protégée.
(2) Institut national de l’origine et de la qualité.
(3) Insémination artificielle.