«En 2012, j’ai dû faire des choix. Avec 200 000 l de lait valorisés à 300 €/1 000 l, je couvrais tout juste les frais. Âgé de 16 ans, notre fils Marc avait déjà pris la décision de s’installer. Pour agrandir l’exploitation, située en périphérie de Foix, il fallait trouver des terres ailleurs. Produire du lait sur deux sites aurait été trop compliqué. J’ai alors décidé de me lancer dans l’élevage allaitant », raconte Michel Marty, éleveur à Loubières dans l’Ariège. Sept ans après, il ne regrette pas son choix : « Le plus difficile a été de vendre le troupeau de brunes que j’avais sélectionné avec mon père. Mais j’ai trouvé un nouveau challenge avec la production de viande et gagné en qualité de vie. »
Pour démarrer, Michel a acheté trente génisses limousines prêtes à vêler. En 2014, il a repris 30 ha à Cazaux, à dix kilomètres de Loubières. Sa femme Roselyne s’est installée avec lui en Gaec. Pour dégager deux revenus, ils ont augmenté le troupeau. En 2016, Marc les a rejoints : « J’ai pu reprendre une ferme sans successeur de 50 ha, dont les terres touchaient celles de mes parents à Cazaux. »
Des conduites différentes
Pour maîtriser les frais de mécanisation, les trois associés ont fait le choix de la Cuma, ce qui leur a permis de concentrer leurs investissements sur les animaux. Ils élèvent dorénavant 80 limousines sur 160 ha. Pour tirer parti au mieux des deux sites, ils ont choisi d’avoir deux troupeaux avec une conduite différente. À Loubières, avec des vêlages d’automne, ils engraissent des veaux rosés en stabulation. Les mères sont complémentées et les réformes finies pour la boucherie. Le troupeau, inscrit, bénéficie d’un contrôle de performances détaillé. Marc, passionné de génétique, peut ainsi travailler la sélection. À Cazaux, la conduite est plus extensive. Avec des vêlages de printemps, les broutards font leur croissance au lait de la mère et à l’herbe. Les frais sont moindres. Il n’y a pas d’achat de concentré, et l’été, une partie du troupeau part en estive, ce qui allège le travail.
Pour aller d’un site à l’autre, il faut 10 minutes en voiture et 25 minutes en tracteur. « Cela complique un peu le travail. Mais, avec cette organisation sur deux sites, nous partageons les risques sanitaires et climatiques. Et nous diversifions les débouchés tout en produisant chaque type d’animal au meilleur coût », explique Michel.
En 2014, l’éleveur avait fait le choix de passer en bio. Il a abandonné le maïs, trop coûteux, et a tout misé sur l’herbe. « En gérant finement la rotation dans les parcs, nous arrivons à avoir de l’herbe jeune à faire pâturer tout au long de la saison », note Michel. Les prairies sont renouvelées à moindre coût en sursemis. « Avec ce système simple, nous avons plus de temps à consacrer aux bêtes », apprécie-t-il.
Des veaux rosés en bio
Le label AB donne accès à des débouchés mieux valorisés, que ce soit pour les vaches ou les veaux rosés, pour lesquels le Gaec a trouvé un acheteur dans les Pyrénées-Orientales. « Pour les broutards, il n’y a pas de filière bio. Ils sont engraissés dans le circuit conventionnel, regrette-t-il. Nous allons essayer de faire plus de veaux rosés finis à la ferme. » En associant des ventes de broutards, d’animaux de boucherie et de reproducteurs, le chiffre d’affaires reste plus stable qu’en lait. « Nous sommes toutefois plus dépendants des primes », relève Michel. Pour l’instant, les trois associés arrivent à prélever chacun un petit revenu, qui devrait s’améliorer dans les années à venir. « Le troupeau est encore en phase de croissance. Nous gardons beaucoup de femelles, ce qui fait moins d’animaux à vendre », note-t-il.
Avec le savoir-faire acquis en élevage laitier, ils font vêler les génisses à deux ans pour augmenter plus vite l’effectif. « Notre objectif est d’arriver à 90 ou 95 mères. Une fois que nous y serons parvenus, nous pourrons trier plus pour améliorer encore les résultats techniques », indique Marc. Avec ce cheptel, ils devraient rester autonomes en fourrages. « Nous envisageons de nous équiper d’un séchage en grange. Avec du foin de meilleure qualité, nous arriverons à finir les vaches avec moins de concentrés », ajoute le jeune éleveur, qui cherche à tout optimiser.
Frédérique Ehrhard