Aux premiers flocons de neige, Marie Mejean Truc-Vallet troque sa combinaison d’élevage pour sa salopette de ski. Mais pas n’importe laquelle : la rouge, avec les initiales ESF comme École du ski français. Car la jeune maman de 33 ans exerce deux métiers pour lesquels elle se passionne : monitrice de ski alpin et éleveuse de vaches et chèvres en transformation fromagère. « Mon père et moi, nous avons toujours rêvé de suivre les mêmes traces, lui était éleveur et pisteur. Nous aimons l’agriculture et la montagne », indique-t-elle.

Avant de reprendre, en 2017, la ferme familiale dans son petit village isérois de Laval, à presque 1 000 m d’altitude, Marie s’est donnée à fond pour atteindre ses objectifs. Diplômée de l’Enita (1) de Clermont-Ferrand, elle a d’abord travaillé à Sodiaal Union comme conseillère laitière. « Je prenais tous mes congés en hiver pour m’entraîner et passer le diplôme de moniteur de ski », se souvient-elle. Elle quitte son CDI pour donner des cours de glisse toute la saison froide. L’été, elle est bergère dans différents massifs alpins.

Quand elle s’installe à la suite de son père, le troupeau est composé de cinq vaches laitières et de vingt-cinq chèvres. Elle fait quelque peu évoluer l’exploitation. Elle ne garde que trois vaches tarines et augmente le troupeau caprin à trente-deux têtes. Elle modifie surtout le système de traite. « Mon père trayait toutes les chèvres à la main et les vaches au pot. Il était inconcevable que je continue ainsi. J’ai donc installé un quai équipé de griffes et un lactoduc », explique Marie. En pleine saison, de mi-avril à fin octobre, elle transforme une centaine de litres par jour en différents fromages, principalement aux deux laits mélangés, comme de la tomme de Belledonne et de la raclette. Elle fabrique également des petites tommes de vache et de chèvre type saint-marcellin, ainsi que du fromage blanc. Tous ses produits sont vendus en direct, majoritairement à la ferme, mais aussi sur un marché de producteurs une fois par mois, et auprès de cinq Amap (2).

Un choix assumé

L’hiver, les journées sont rythmées par les cours de ski, ce qui nécessite une sérieuse organisation. « Au lever, je passe à la laiterie pour tourner les fromages et les saler. Puis je grimpe dans ma voiture pour 20 minutes de route vers la station des Septs Laux. Je reste sur les pistes de 8 h 30 à 17 h. Quand je rentre, je donne à manger aux bêtes, je sors le fumier, je m’occupe des cabris et je fais un saut à la laiterie. Après le souper, je repasse au bâtiment pour détacher les animaux », décrit-elle. Son père lui donne un coup de main. « Je m’arrange pour que les mises bas n’arrivent qu’à la fin des vacances de février. Il y a donc peu de lait en hiver, une quinzaine de litres par jour. » Marie peut donc se contenter d’une seule traite. Elle est une battante et une sportive qui met son énergie dans son travail. « C’est très intéressant de mener plusieurs activités. J’exerce le travail physique de la ferme comme un sport et mon sport, le ski, comme un travail ! »

Pour le moment, Marie se rend en station les samedis, dimanches et mercredis, ainsi que tous les jours durant les vacances scolaires. « Quand j’aurai un associé, je pourrai monter tous les jours de neige à la station. » Un souhait qu’elle espère atteindre à l’horizon 2021. « Une personne supplémentaire sur l’exploitation permettra également de développer les visites pédagogiques », précise-t-elle.

La jeune femme n’envisage pas sa vie autrement. « La double activité me convient parfaitement. Elle me permet d’exercer deux métiers que j’adore. » Les avantages sont aussi d’ordre financier. « Je n’ai pas de pression économique sur l’exploitation, car je gagne autant comme monitrice de ski qu’en tant qu’éleveuse. » Marie avoue toutefois que la charge mentale peut être lourde. « Pendant tout l’hiver, j’ai sans cesse deux activités dans la tête. Heureusement, ce n’est que sur une période déterminée. Je peux pleinement me concentrer sur l’exploitation et la fabrication de fromages durant l’automne, le printemps et l’été. »

Camille Penet

(1) École nationale d’ingénieurs des travaux agricoles.

(2) Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.