En ce mois de mars, les 350 brebis de race « île-de-France » et leurs agneaux de Nicolas Roch sont encore à l’abri dans la bergerie. Les agnelages sont quotidiens.

C’est en Seine-et-Marne, au lieu-dit Le Grand Hamel, près de La Ferté-Gaucher, que le jeune quadra - déjà à la tête d’une exploitation céréalière (l’EARL Roch Moreau) - a repris la ferme familiale en 2001. Son père avait des vaches allaitantes jusqu’à ce que sa coopérative tire le rideau. L’élevage a ensuite disparu au profit des grandes cultures. Seuls quelques moutons ont été conservés pour l’autoconsommation et la valorisation des prairies de l’exploitation. « Quand j’ai rejoint mon père, je lui ai proposé de développer l’atelier ovin. J’ai démarré dans un ancien bâtiment avec 200 brebis », se rappelle Nicolas. En 2006, une première bergerie est installée. Une deuxième est actuellement en construction pour accueillir le croît de cheptel prévu en 2019. « Aujourd’hui, la diversification est un atout, même si nous en faisons toujours plus pour maintenir un revenu », constate-t-il.

Couverts valorisés

Si l’élevage a ses contraintes « du samedi et du dimanche » et ses périodes clés, le retour des animaux sur l’exploitation a permis de faire face, après la difficile année 2016. « Je n’étais pas assuré pour les aléas climatiques sur les cultures car une telle perte n’était jamais arrivée, regrette amèrement l’agriculteur. 2017 et 2018 ont ensuite été marquées par de très mauvaises récoltes en blé, avec un marché compliqué. Ça va être tendu dans les années à venir.  »

Sur 285 hectares, Nicolas produit du blé, des betteraves, du maïs, des escourgeons et, depuis peu, des pommes de terre fécule. « Nous avions un assolement très pauvre, avec des soucis d’enherbement et de résistances. Les pois et les féveroles ont disparu avec les problèmes de pourrissement des racines. Il fallait remettre des cultures de printemps », explique Nicolas. Le contrat avec la féculerie Tereos, dans la Marne, et l’augmentation des surfaces en betteraves ont permis de diversifier l’assolement tout en favorisant la biodiversité. « Je suis chasseur et c’est un point important pour moi », souffle-t-il. Des couverts sont implantés après moissons (radis fourragers, radis chinois et repousse de céréales). Ils sont valorisés par les moutons et diminuent la charge alimentaire, tout en allant dans le sens d’un meilleur impact environnemental.

Demande croissante

250 brebis supplémentaires doivent arriver progressivement cette année. L’augmentation de la troupe va permettre de mécaniser le paillage des bergeries et de répondre à une demande croissante du marché local. Nicolas Roch travaille depuis deux ans avec son voisin, lui aussi éleveur ovin de la race « île-de-France ». à eux deux, ils fournissent trois artisans bouchers et quatre supermarchés. L’abattage traditionnel est réalisé à Jossigny (Seine-et-Marne) le mardi et les carcasses entières sont livrées le jeudi. Leur cheptel total devrait atteindre 1 200 brebis cette année. « L’objectif est d’alterner les dates d’agnelage pour embaucher un salarié à temps plein, dédié à la conduite de l’élevage », souligne Nicolas. Auparavant, il adhérait à la coopérative des bergers du Nord-Est. « J’avais moins de travail mais mes agneaux étaient moins bien valorisés, autour de 125 euros, contre 175 aujourd’hui », explique-t-il.

Les éleveurs franciliens, qui fournissent 1 % de la consommation régionale de viande ovine, se sont fédérés en 2017 au sein de l’association « Bergers d’île-de-France ». Nicolas en est le président. « Mes responsabilités m’apportent l’ouverture que je n’ai pas eue en m’installant après mes études », confie-t-il. Comme les autres adhérents de l’association, l’agriculteur a découvert un autre monde en traitant en direct avec les commerces de bouche. « Au début, nous ne connaissions même pas les prix d’achat des acheteurs potentiels sur le marché, avoue l’éleveur. Puis, nous avons compris qu’ils privilégiaient l’image locale. Le prix n’était plus un souci. »

Leur marque, lancée en 2018 (voir l’encadré), devrait leur permettre de prendre un nouvel élan collectif et, peut-être, de redonner des couleurs au cheptel ovin francilien. en 1970, 100 000 brebis pâturaient les champs d’île-de-France. Elles sont à peine 10 000 aujourd’hui.

Pauline Bourdois