«Nous sommes heureux de travailler ensemble sur la ferme familiale, expliquent de concert Ketty Mouly et ses deux frères, Mickaël et Éric, installés à Saint-Martial-le-Vieux dans la Creuse. Mickaël, l’aîné de la fratrie, a toujours voulu être éleveur. Il a rejoint ses parents, Jean-Claude et Daisy, en 2008. L’installation d’Éric, qui a suivi des études de mécanique agricole, se fait en 2014, dans des conditions difficiles, après le décès de leur jeune frère, Bruno, lui-même installé en 2013.

Quant à Ketty, c’est après dix ans de salariat dans la fonction publique hospitalière à Vichy et dans l’attente de son troisième enfant, qu’elle prend le virage vers l’élevage. « Nous avons avancé avec détermination dans ce changement radical de vie, explique la jeune femme, qui a suivi pour ce faire une formation de dix mois. Son mari, Bertrand, a quitté un poste à la communauté de communes de Vichy pour travailler au camp militaire de la Courtine. Lorsque Ketty rejoint ses frères, le 1er janvier 2017, l’exploitation couvre 195 hectares pour 115 vaches. En reprenant la ferme de leur tante partant à la retraite, elle la complète de 25 hectares et de 15 vaches.

Un système naisseur

Les limousines sont élevées en plein air, par lots de trente. Les vêlages sont étalés de novembre à avril, avec une concentration importante en mars et en avril. « Nous surveillons attentivement les mères et veillons à ce que les veaux tètent bien. Ils sont rustiques et vigoureux. Nous n’avons pas de pathologies néonatales », expliquent les éleveurs. Ils choisissent des taureaux présentant de bons index en facilité de naissance et ont récemment introduit un taureau sans cornes homozygote né en Allemagne. « Le sans cornes est une voie d’avenir dont nous sommes convaincus », soulignent-ils.

La distribution d’un foin d’excellente qualité est réalisée une ou deux fois par jour dans chaque lot, en fonction du froid. « Nous déroulons en moyenne un ballot par jour et par lot, explique Mickaël. Il faut compter 30 % de consommation supplémentaire pour des animaux vivant à l’extérieur. Cette année, nous avons dû acheter du foin à cause de la sécheresse de 2018. Nous gardons aussi davantage de génisses, pour augmenter l’effectif du troupeau à 160 mères. »

L’exploitation est répartie sur trois sites groupés, disposant chacun d’un bâtiment équipé d’un système de contention pour les différentes manipulations. Les veaux sont vendus en broutards de huit à dix mois sur le marché au cadran d’Ussel (Corrèze). Les vaches de réforme sont commercialisées au groupe coopératif Capel, basé à Cahors (Lot), ou au marché au cadran. Elles bénéficient du label rouge Blason Prestige si elles ont moins de dix ans. « Le marché au cadran est une référence pour les cotations en race limousine, poursuit Mickaël. La transparence des négociations et le paiement garanti ont séduit nos parents dès son ouverture en 2004. Nous y sommes actionnaires. »

Un débouché local

Depuis cinq ans, une partie des veaux mâles produits sur l’exploitation sont vendus au centre d’engraissement collectif, situé dans la commune de Saint-Martial-le-Vieux. Doté de 800 places, il permet l’engraissement sur le plateau de Millevaches, dont l’altitude n’est pas compatible avec les cultures. « Ce projet collectif nous a plu dès son lancement, souligne Éric. Il fédère 75 éleveurs naisseurs du plateau. Nous y envoyons entre 20 et 25 veaux par an. Les six derniers placés début mars ont été vendus au centre à 2,87 € par kilo vif pour 385 kg de moyenne. »

Le centre d’engraissement accueille des veaux limousins, mais aussi charolais, à un poids moyen de 380 à 500 kg vifs. Celui-ci les vend à l’âge de vingt mois à la SVA Jean Rozé, à un poids moyen de 370 à 400 kg de carcasse. Leur ration à l’engraissement est constituée d’un mélange de matières premières produites dans la région Auvergne-Limousin (tourteau de colza, pulpe de betteraves, maïs grain, blé et paille). « Ce débouché local évite les kilomètres qu’imposent les exportations classiques vers l’Italie, précise Ketty Mouly. C’est une logique à la fois économique et écologique à laquelle nous adhérons. »

Monique Roque-Marmeys