Depuis vingt ans qu’ils sont installés ensemble au sein du Gaec du Haut Forez, Christophe Meunier, 42 ans, et Guy Neel, 55 ans, partagent la même envie de développer une production laitière de qualité, autonome et respectueuse de l’environnement. C’est avec cet objectif qu’ils ont façonné leur exploitation nichée dans les monts du Forez (Loire), à 850 mètres d’altitude.

« Au départ, nous étions de simples voisins. J’avais mon propre troupeau de laitières et les parents de Christophe le leur, explique Guy Neel. Nous nous aidions pour certains travaux. Nous faisions des plants de semences de pommes de terre ensemble. À la fin des années quatre-vingt-dix, il devenait nécessaire que je modernise mon bâtiment d’élevage. Au même moment, Christophe envisageait de s’installer avec ses parents. Lui aussi avait besoin d’un nouveau bâtiment. Nous avons donc décidé de regrouper nos deux exploitations en Gaec à quatre associés, et de ne construire qu’une seule stabulation pouvant accueillir nos deux troupeaux. » L’exploitation se développe vite. De 260 000 litres de lait produits en 1998, ils passent à 450 000 litres en 2010 et à 520 000 litres aujourd’hui, destinés à la fabrication du fromage AOP Fourme de Montbrison.

Plus aucun achat de fourrage

Au fil des ans, les investissements se succèdent. « Nous avons été soucieux d’évoluer vers plus d’autonomie », poursuit Christophe Meunier. En 2006, un séparateur de phase est installé. Le lisier déshydraté est utilisé comme paillage dans les logettes. « Depuis, nous n’achetons plus de paille. C’est une économie substantielle. » Pour les deux éleveurs, c’est le début d’une réflexion plus globale. « En 2008, nous avons été élus élevage le plus productif en montbéliardes du département. Une distinction dont nous pouvions être fiers. Mais nous nous sommes aussi aperçus que nous avions des coûts de production élevés, estimés à 180 euros par 1 000 litres pour les charges alimentaires », indiquent les éleveurs. Ils réfléchissent alors à d’autres systèmes, plus économes. « Nous avons arrêté nos ensilages. Et nous sommes passés à un système 100 % herbe, avec du foin ventilé de façon à être le plus autonome possible. »

Le bâtiment de séchage en grange, d’une capacité de 300 tonnes de foin et attenant à la stabulation, est construit en 2010. Il est équipé de 500 m2 de panneaux photovoltaïques pour la revente d’électricité, et d’un système de séchage recyclant la chaleur sous la toiture solaire. Il comprend deux cellules de ventilation et une cellule de déstockage. « On rentre le foin en vrac à 65 % de matière sèche. Il finit de sécher dans les cellules de ventilation qui sont remplies au fur et à mesure des trois coupes. L’air chauffé au travers des panneaux solaires est aspiré grâce à un ventilateur, puis renvoyé sous le fourrage afin de le sécher », explique Christophe. Ce système permet aux deux associés d’atteindre 100 % d’autonomie fourragère. « La centaine d’hectares de foin que nous faisons sécher de cette manière nourrit nos 80 laitières lors des cinq mois d’hiver, et couvre les apports estivaux », précise-t-il.

Prix du lait valorisé

Les intérêts sont aussi d’ordre économique. « Grâce à ce foin à haute valeur nutritive, nous sommes plus autonomes en protéines. Nous achetons moins de concentrés alors que nous produisons 100 000 litres de plus qu’avant le séchage en grange. Nous avons des vaches en meilleure forme, un taux de renouvellement plus faible, donc un peu moins de génisses à élever. Avec des taux protéiques et de matière grasse bien corrélés, nous gagnons en valorisation du prix du lait. » Actuellement, le coût des charges alimentaires est estimé à 80 € par 1 000 litres. Les deux éleveurs se félicitent de ce changement et des autres économies qui en découlent : bâches, films, ficelles…

Christophe et Guy, seuls à la tête de l’élevage depuis le départ en retraite des parents de Christophe en 2014, viennent de convertir leur exploitation à l’agriculture bio, et de tester le pâturage tournant dynamique. « Pour être rentable, une exploitation agricole doit sans cesse évoluer. Il ne faut pas avoir peur de se lancer de nouveaux défis. »

Camille Penet