«Nous ne pensions pas associer aussi tôt un jeune sur notre exploitation, expliquent Jean-Luc et Joëlle Tourreix installés à Gelles (Puy-de-Dôme). C’est la personne plus que le moment qui a suscité notre décision. » De fait, Florent Lesmarie, jeune salarié du service de remplacement, travaillait deux, puis quatre jours par semaine sur l’exploitation ovine du couple. Son implication et sa motivation ont été des facteurs déclenchant pour les éleveurs âgés d’une cinquantaine d’années et dont les trois filles sont parties vers d’autres horizons professionnels que l’exploitation familiale. « Nous envisagions l’arrivée d’un associé avec la perspective d’une reprise à notre retraite. Les choses sont allées plus vite que prévu, nous ne le regrettons pas. L’arrivée de Florent nous a boostés. »

Florent Lesmarie se destinait depuis l’enfance à être éleveur. « Mes vacances chez mes grands-parents dans le Cantal ont éveillé en moi cette vocation », explique le jeune homme qui s’orientera sans hésiter, dès la classe de 3e, vers des études agricoles. Mais s’installer en tant que hors-cadre familial n’est pas évident. Florent enchaîne quelques expériences professionnelles qui ne sont pas toutes couronnées de succès. C’est en rentrant fin 2013 au service de remplacement du Puy-de-Dôme qu’il finira par trouver sa voie. « Travailler sur plusieurs exploitations avec des systèmes de production et des façons de faire très différentes est riche d’enseignements », commente le jeune éleveur. Il affine ses préférences en direction des ovins et particulièrement de la race rava, « une race locale très attachante ». C’est sans hésitation que Florent répond favorablement à la proposition d’association de Jean-Luc et Joëlle. Il est intégré au Gaec de l’Echarme depuis janvier 2017.

« Il a fallu trouver des solutions pour dégager un revenu supplémentaire », commentent les trois associés. Un second site d’exploitation de 27 ha est repris à 7 km de l’exploitation. La stabulation pour vaches allaitantes est aménagée en une bergerie de 480 places avec stockage et contention. Le troupeau est augmenté de 100 brebis. Il est aujourd’hui de 870 mères en race pure rava, avec l’objectif de le stabiliser rapidement à 950 mères.

Virage décisif

Le troupeau est conduit en trois agnelages en deux ans avec trois quarts des saillies en race pure et un quart en croisement avec des mâles Île-de-France pour gagner en conformation. Les agneaux croisés et des mâles purs sont vendus en label rouge « Agneaux de l’Adret » à la coopérative Cialyn (Yonne).

Les femelles sont soit gardées pour l’accroissement du cheptel et le renouvellement, soit vendues pour la reproduction. « La demande est croissante depuis trois à quatre ans. Les éleveurs des zones herbagères françaises sont séduits par les qualités d’élevage de notre race, précise Jean-Luc. Nous sélectionnons notre troupeau sur la valeur laitière et la prolificité des mères, bien sûr aussi sur le phénotype. » Le troupeau affiche une fertilité de 90 % et une productivité de 1,8 à 2. Les luttes sont toutes en monte naturelle avec contrôle de paternité.

« Nous valorisons l’herbe de l’exploitation, sans négliger les pâtures d’hiver quand le temps le permet. L’été, l’estive est primordiale. Nous y conduirons à l’avenir un lot de 350 brebis pleines, expliquent les associés. La productivité du troupeau et une bonne maîtrise des coûts de production sont des facteurs clés du revenu. » Après de longues années de crise, le cours de la viande ovine s’est redressé depuis 2010. De quoi envisager l’avenir avec plus de sérénité. « Nous devons encore travailler à une meilleure reconnaissance de la viande produite avec nos races locales des massifs. Florent apporte des idées nouvelles. Grâce à lui, nous nous remettons en question. Nous sommes heureux de conforter la viabilité d’une structure sur laquelle nous travaillons depuis 1987. Pouvoir transmettre le fruit de ce travail et de cette passion pour la rava nous fait vraiment plaisir. C’est dopant pour les années à venir ! »