La devise de Freddy Renaud pourrait être : « Investir dans la terre, mais pas dans le matériel. » Ce jeune céréalier de trente et un ans s’est installé à Barrou, dans le sud d’Indre-et-Loire, en 2006. Il a repris 48 hectares de cultures, dont 25 ha en acquisition.

« Je n’ai pas pu acheter tout le matériel du cédant. Avec un blé à 90 €/t, il a fallu faire un choix. Le foncier sécurise mon outil de travail », souligne Freddy. En 2007, il reprend 50 ha en location, puis achète quelques parcelles. Aujourd’hui, il atteint 155 ha, dont 47 ha en propriété. « J’ai de la chance, car il y a une bonne entente à Barrou, poursuit-il. Les discussions sur le foncier se font autour de la table entre repreneurs. Nous avons même procédé à des échanges pour regrouper le parcellaire. »

Le céréalier possède des types de terre très hétérogènes : des sables aux argiles (plus de 40 %) et des limons hydromorphes. Il a fait drainer toutes ses parcelles limoneuses. Il est ainsi passé de 12 à 62 ha drainés en dix ans. « Un tiers de l’investissement est payé grâce au gain de rendement et au bénéfice structural dans mes terres limoneuses fragiles », estime Freddy.

Face à une charge foncière importante, l’agriculteur développe l’entraide, notamment lors de la moisson, et le travail en Cuma. Il estime à environ 400 le nombre d’heures échangées. Au final, il n’a gardé qu’un tracteur de 140 ch. L’inconvénient est que cette charge foncière n’est pas amortissable. En 2012, année exceptionnellement bonne, il décide d’acheter un pulvérisateur traîné de 4 000 litres et se lance dans la prestation de services. Son objectif est de ne pas dépasser les 300 €/ha de charges de remboursement (foncier, drainage, matériel). Grâce à l’entraide, il est à 290 €/ha.

Nouvelle rotation

En 2013, Freddy s’engage dans l’agriculture de conservation. Ce choix nécessite quelques matériels spécifiques. Il investit dans un semoir de semis direct en Cuma (lire encadré). Néanmoins, il ne s’interdit pas de travailler le sol si nécessaire, toujours à allure réduite. Il bannit l’orge et les pailles sur pailles, réduit la sole de blé à un tiers de la surface et introduit, sur 10,5 ha, de la luzerne porte-graine, adaptée aux parcelles d’argilo-calcaire superficiel. « J’implante un maïs après la luzerne, car l’azote est essentiellement valorisé la deuxième année, où je sème un blé, explique-t-il. Cette année, cela m’a permis de récolter ma meilleure parcelle de blé à 88 q/ha, à la place de 68-70 q/ha en moyenne. » Depuis six ans, le céréalier produit aussi 7,5 ha de maïs non irrigué et 5,5 ha de mélange pois-féverole pour la semence.

La particularité de son système est de cultiver beaucoup de tournesol, de 30 à 40 ha, une culture que de nombreux agriculteurs du secteur abandonnent à cause des ravageurs lors de la levée. Mais Freddy a trouvé une technique d’implantation testée avec ses voisins. « Il faut être patient et attendre le ressuyage complet des 3 à 4 premiers centimètres, soit sept à dix jours après la date “normale” de semis, précise-t-il. Je passe la herse rotative directement sur le couvert, détruit préalablement, et le semoir le même jour, en plaçant la graine au fond du travail de la herse. Cette technique m’apporte une bonne régularité de préparation face à l’hétérogénéité des types de terre. » Cette année, l’agriculteur va profiter de cette préparation printanière pour implanter une luzerne sous couvert de tournesol. Associer les plantes est une évidence pour Freddy. Il sème son colza sans travail du sol avec de la féverole, des pois, de la lentille et du fenugrec. Cette diversité diminue la pression automnale des ravageurs. « Je mets tout en œuvre pour échapper au vulpin : l’allongement de la rotation, le non-travail des sols à l’automne ou encore les semis tardifs, ajoute-t-il. Je vois la différence pour le désherbage du blé, où ma charge d’herbicide oscille entre 50 et 60 €/ha. » Amateur des traitements à bas volume, Freddy a installé une station de déminéralisation pour accorder le pH de l’eau avec celui du produit. Tous ces changements de pratiques ont permis une diminution de 35 % de produits phyto depuis 2015.

Reste le glyphosate, essentiel en agriculture de conservation. « C’est le plus frustrant ! Mais, j’ai bon espoir qu’avec notre GDA (1) local, nous parvenions à bâtir un mode de production sans cette dépendance », conclut le jeune céréalier.

(1) Groupement de développement agricole.