Originaire de Normandie, Mathieu Rio a découvert les fromages fermiers de chèvre au cours de sa formation d’ingénieur. En 1999, il a commencé par travailler au Syndicat de défense du pélardon, un fromage des Cévennes qui venait d’obtenir une appellation. Puis, le hasard des rencontres lui a permis de s’installer. « Au Salon de l’agriculture à Paris, j’ai croisé le maire de Saint-Bénézet, dans le Gard. Il cherchait un repreneur pour une exploitation communale. De mon côté, je voulais devenir éleveur. J’ai saisi l’opportunité et, en 2005, je me suis lancé », raconte Mathieu.

La commune lui a confié 87 hectares de parcours, avec un bail à commodat. « Je ne paye pas de loyer mais, en échange, j’ai une obligation d’entretien sur 50 ha de bande pare-feu, qui protège le village des incendies », précise l’éleveur. Il a financé son installation avec une dotation jeunes agriculteurs de 12 000 €, et 160 000 € de prêts bonifiés. « J’ai dû construire une chèvrerie et une fromagerie, poursuit-il. Avec mon frère, nous avons démarré avec 40 chèvres. Peu à peu, nous avons constitué une clientèle pour nos fromages, tout en augmentant le troupeau. »

Au bout de cinq ans, son frère a décidé d’arrêter. Mathieu s’est accroché et a embauché un salarié pour l’aider, puis un apprenti, qu’il a gardé à l’issue de sa formation. En 2012, il s’est lancé dans l’élevage de porcs en plein air, pour valoriser le petit-lait tout en arrondissant le chiffre d’affaires, et il a embauché un troisième salarié.

Gagner en productivité

Avec des charges de personnel élevées, il lui a fallu quelques années pour trouver le bon équilibre. Aujourd’hui, Mathieu élève 110 chèvres et en conduit 70 en lactation longue, sur deux ou trois ans. « Pour employer des permanents, j’ai besoin d’avoir du lait toute l’année », explique-t-il. Son revenu est, pour l’instant, moindre que lorsqu’il élevait 80 chèvres avec son frère. « Mais j’ai plus de temps libre, apprécie-t-il. En équipe, nous nous relayons. Je peux me libérer un week-end sur deux et prendre deux semaines de vacances en famille. »

Le cahier des charges du pélardon AOP impose au moins 210 jours de pâturage, pour que la typicité de la flore marque le lait. « Les chèvres sortent tous les jours, sauf quand il pleut, précise Mathieu. Dans la garrigue, il faut les garder. Dans les prairies, par contre, elles pâturent seules. » Leur ration comprend aussi du foin de Crau, de la luzerne, de l’orge et un correcteur azoté. En fromagerie, le cahier des charges interdit l’utilisation des ferments du commerce. « Je produis mes propres ferments avec du lait de la veille, ajoute l’éleveur. Cela contribue aussi à la typicité. » L’affinage dure onze jours minimum. Une petite partie des fromages, ainsi que toute la charcuterie et la viande de porc fraîche, sont commercialisés à la ferme. Mathieu a aussi une trentaine de clients professionnels. « Chaque semaine, je consacre trois journées à livrer des fromagers, épiciers ou restaurateurs à Montpellier, Alès et Nîmes », précise-t-il. Par transporteur, il travaille également avec deux grossistes, un dans l’Hérault et un à Rungis.

Les clients apprécient la qualité de ses produits. « J’augmente les quantités de fromages tous les ans, mais j’en manque toujours pour répondre à la demande », constate-t-il. Pour produire plus sans accroître la charge de travail, il prévoit de refaire la salle de traite. Avec 2 fois 16 postes et un décrochage automatique, la traite ne mobilisera plus qu’une personne durant une heure. Le temps libéré permettra de transformer plus de lait.

L’engraissement des porcs demandant peu de travail, Mathieu envisage de créer un deuxième parc, pour monter à 40 animaux par an. Il s’applique aussi à augmenter la productivité des chèvres. « J’insémine pour obtenir des chevrettes avec plus de potentiel », note-t-il. En cultivant sa luzerne et son sainfoin, l’éleveur maîtrise mieux la qualité du foin. « J’ai déjà trouvé 15 ha de terres, ajoute l’éleveur. Pour faire face à une sécheresse comme celle de 2017, qui a duré six mois, il m’en faudrait encore un peu plus. » Tous ces ajustements devraient contribuer à améliorer son revenu. « En 2018, j’ai récolté plus de foin, ce qui va réduire les achats, dit-il. La production de lait a grimpé. En quelques mois, le chiffre d’affaires a augmenté de 15 000 €, c’est encourageant ! »