Le Gaec Dumont se situe dans un territoire semi-montagneux baptisé la Suisse normande. Après quelques lacets en direction de la fameuse route des crêtes, se dévoile un incroyable paysage du Calvados : la falaise de schiste, la vue sur la vallée, des prairies escarpées aux allures d’alpage et… quelques pommiers à cidre. C’est ici que Michel Dumont s’est installé en 1982 en reprenant l’exploitation laitière familiale. Une activité qu’il poursuit aujourd’hui, associé avec sa femme Christine et plus récemment avec son fils, François. Aidés d’un salarié présent sur l’exploitation depuis trente ans, les éleveurs sont à la tête d’un troupeau de 69 vaches laitières qui devrait progresser à 90 têtes d’ici la fin de 2018.
Les éleveurs expérimentent depuis toujours des techniques à bas intrants pour un troupeau de race prim’holstein. « C’est motivant de tester d’autres façons de produire, avec des pratiques plus économes », retrace Michel. Cultures de protéagineux et de méteils, valorisation des valeurs alimentaires de l’herbe et du pâturage, fabrication d’aliments à la ferme et recours généralisé à l’homéopathie pour le troupeau… Les essais menés depuis plus de trente ans ont abouti à adopter différentes stratégies économes et vertueuses. Mais le contrat de lait conventionnel avec la laiterie Agrial n’avait jusqu’ici jamais assuré de valorisation particulière de ces pratiques.
Conversion bio
« Nous aurions pu continuer et attendre la retraite », note Michel Dumont qui devrait faire valoir ses droits dans cinq ans. C’était sans compter sur l’envie de son fils François de reprendre l’élevage. « Avec le contexte des prix du lait depuis 2015, j’aurais refusé de lui vendre l’exploitation en l’état, souligne l’éleveur. Dans notre secteur, c’est devenu mission impossible de produire du lait conventionnel à un prix compétitif. » Et ce déficit de compétitivité pourrait encore se creuser. « Historiquement, nous sommes en secteur éligible aux indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN). Mais les nouvelles méthodes de calcul qui nous intègrent avec le secteur du bocage nous sortent de la zone éligible. Nous nous battons pour être réintégrés, mais rien n’est encore gagné. Nous risquons une perte de revenus de 13 000 € », s’alarme Christine qui défend ce dossier pour sa petite région en tant que présidente du Comité d’expansion agricole du Val d’Orne.
C’est dans ce contexte que les associés ont fait le choix de convertir le système au cahier des charges de l’agriculture biologique à partir du 30 juin 2016. Une nouvelle méthode de production à laquelle adhère leur fils, François, installé le 1er janvier 2017 en reprenant la moitié des parts sociales. L’exploitation sera réellement valorisée en bio à partir du 1er juillet 2018. « Afin de conforter mon installation, tout en conservant notre salarié, nous faisons progresser le troupeau de 30 vaches laitières supplémentaires pour atteindre un effectif de 90 d’ici à la fin de l’année. Nous avons le projet d’engraisser des porcs bio, dans une porcherie paillée déjà existante », détaille le jeune installé.
La conversion a poussé les éleveurs à abandonner le peu d’aliments achetés à l’extérieur pour passer à presque 100 % d’aliment de ferme en 2016-2017. Même si le système était déjà très orienté vers l’autonomie, ce changement amène des problématiques nouvelles pour des éleveurs qui aimeraient maintenir un niveau d’étable entre 7 500 et 8 500 litres en bio.
Toastage des protéagineux
« Nous avons une ration trop riche en azote soluble. C’est pour réduire ce taux que nous expérimentons le toastage de nos protéagineux pour la deuxième année consécutive. Et nous cherchons à corriger la ration en énergie, notre point faible », témoigne Michel. La première année de conversion est encourageante. Les résultats économiques de 2016-2017 se sont améliorés par rapport à 2015-2016, sous l’effet de la diminution des charges opérationnelles. Mais selon François, « il faudra attendre encore cinq ans pour avoir un vrai recul sur les choix que nous avons réalisés ».