«Je me dis que l’interdiction possible du glyphosate est un accélérateur pour chercher d’autres solutions. Même si, au fond, ça me fait râler. C’est davantage Monsanto qui est dénoncé que la dangerosité du produit. Il n’y a qu’à regarder les pictogrammes présents sur d’autres bidons », s’agace Ludovic Joiris. Ce quadragénaire, polyculteur à Corbreuse dans l’Essonne, est un fervent défenseur du semis direct sous couvert, qu’il pratique depuis plus de quinze ans. L’herbicide est une solution nécessaire à ses pratiques, mais son caractère d’« éternel optimiste le pousse à regarder devant ».

D’abord pluriactif

Dès 1992 et la réforme de la Pac, son père a arrêté de labourer « par crainte d’une baisse des prix ». L’idée était de réduire les coûts et le temps de travail. En 1999, Ludovic le rejoint. Il est alors salarié chez IBM où il s’occupe de la gestion hotline (1) des systèmes informatiques. Il sera pluri­actif pendant quelques années avant de se consacrer pleinement aux terres familiales. Bien que diplômé en agriculture (BTSA Acse (2) puis deux ans de spécialisation à l’Esa d’Angers), « faire ses armes » hors du monde agricole était une envie personnelle. Ludovic se considère comme un « observateur » : il voit dans son métier d’agriculteur la possibilité d’expérimenter, de se remettre en question et d’avancer.

En 2001-2002, de fortes pluies automnales pourrissent les semis de blé. Les techniques simplifiées avec un seul passage ne résolvent pas tout. Il fallait y ajouter l’agronomie. « Nous commencions à entendre parler de l’agriculture de conservation des sols. Comme nous disposions déjà du semoir, nous sommes passés aux couverts. J’y croyais beaucoup », se souvient-il. La qualité des sols agricoles est, selon lui, la clé de la réussite pour développer une culture. « En forêt, il n’y a aucune intervention humaine et pourtant ça pousse », observe-t-il. Pour autant, Ludovic l’admet : il a souvent douté.

Sa phase de transition, celle durant laquelle il faut que les sols retrouvent leur équilibre, a duré dix ans. « J’étais un des premiers en Île-de-France à me lancer. Désormais, de réelles améliorations sont observées en 6 à 7 ans, surtout dans les petites terres », rassure Ludovic qui se réjouit de voir de plus en plus de collègues s’intéresser à cette pratique.

Multiplier les tests

Limaces, campagnols, et autres insectes ravageurs lui ont mené la vie dure. « L’agriculture de conservation induit de multiplier les tests », admet le céréalier. Il espère voir ses soucis techniques, notamment les ravageurs sur lin, résolus. « Cette campagne s’annonce bien. Je sens que ça se stabilise », se persuade-t-il. Agronome passionné, Ludovic n’en oublie pas la gestion économique.

L’agriculteur suit de près ses marges depuis son installation. Pour cela, il a adopté un parc matériel restreint. Sous le hangar, se trouvent son tracteur de 37 ans et 177 ch, appelé tendrement « vieux coucou », équipé d’un GPS de base, et deux semoirs de six mètres venus d’Allemagne, le tout acheté 55 000 €. « Cela m’a coûté moins cher qu’un tracteur d’occasion de tête en conventionnel », précise-t-il. Il utilise son tracteur 250 heures par an, « difficile d’en rentabiliser un plus récent », et estime qu’avec ce matériel il pourrait doubler sa surface sans avoir à investir. Sa moissonneuse-batteuse est sa machine la plus récente (2011) et « c’est pourtant celle qui tombe tout le temps en panne », ironise-t-il. Elle est le point noir de sa mécanisation sur lequel il réfléchit actuellement.

Charges réduites

« Avec des charges de mécanisation réduites au maximum, je dois me concentrer sur l’amélioration de mon chiffre d’affaires en graines. » Aujourd’hui avec 80 quintaux de moyenne en blé et des apports d’azote entre 160 et 180 unités selon les précédents, il tient la route mais se fixe un nouveau cap : augmenter ses rendements.

(1) Ligne téléphonique directe pour assurer un support clients.

(2) BTSA Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole (ACSE)