La récolte des pommes à cidre se termine sur l’exploitation de Jacques et Michelle Baux, agriculteurs à Taden (Côtes-d’Armor). Au total, sur les 55 hectares de vergers actuellement en production, près de 1 300 tonnes auront été livrées à la coopérative Val de Rance pour la production de cidre et de jus de pomme. C’est 25 % de moins que la production espérée, en raison des dégâts causés par le gel au printemps. « À la ferme, nous n’avons pas toujours pensé pomme », plaisante l’agriculteur.

Installé en 1976 sur une petite surface en légumes dans le marais de Dol-de-Bretagne, Jacques a repris, en 1986, l’exploitation laitière de son beau-père, en EARL avec son épouse. La ferme comptait alors 35 hectares et affichait un quota de 180 000 litres de lait. « Les quotas laitiers sont arrivés et nous ont bloqués », se souvient-il. Pour équilibrer les comptes, le couple a décidé d’élever un troupeau de vaches allaitantes limousines, à la faveur d’une opportunité foncière dans la commune voisine.

Les agriculteurs ont également repris les 45 hectares de terres de la ferme paternelle à Hirel (Ille-et-Vilaine). Distantes d’une trentaine de kilomètres du siège d’exploitation, ces surfaces ont toujours été consacrées aux céréales. Étonnamment, c’est la tempête de 1987 qui a marqué la relance de la production de pommes à cidre. À l’époque, l’exploitation, comme celles aux alentours, possédait un verger haute tige (1,5 ha) et livrait 15 à 20 tonnes à la coopérative du Val de Rance pour produire du cidre.

Les arbres étaient déracinés, mais Michelle souhaitait voir revivre le verger de son enfance. « Il faut viser 10 hectares si vous voulez vous mécaniser. Et vous devez vous orienter vers du basse tige pour une production à quatre-cinq ans, contre dix ans en haute tige », leur avait conseillé le technicien de la chambre d’agriculture d’alors, Georges Durand. Un précieux conseil pour assurer une rentabilité économique. La coopérative Val de Rance cherchait de nouvelles surfaces. À la suite à la tempête, qui a décimé un tiers de la forêt bretonne et mis à terre de nombreux vergers, beaucoup d’agriculteurs n’ont pas replanté et ont remis les parcelles en culture. Les époux Baux, eux, se sont lancés.

Renouveau du cidre

« Nous avons commencé par planter un îlot de 6,5 hectares, puis un autre de 2,5 ha, sur un plateau bien exposé », raconte Jacques. Avec les parcelles d’essais mises en place en partenariat avec l’Institut français des productions cidricoles, l’EARL est montée progressivement à 10 ha de vergers. Durant toute cette période, la filière cidricole s’est restructurée, bien décidée à revaloriser l’image d’un produit jugé un temps démodé. Consciente de l’enjeu, en 2010, la coopérative a incité les producteurs à planter des variétés plus douces et plus acidulées (Douce Coëtligné, Judor, Avrolles…), en adéquation avec la demande du consommateur.

Le lait a été arrêté en 2013, les vaches allaitantes un an après. « Certes, nous dégagions un revenu en lait, poursuit l’agriculteur. L’outil était fonctionnel : alimentation en libre-service, stabulation avec aire paillée…, mais il ne nous permettait pas d’investir. »Les rallonges de lait sont arrivées trop tard. Surtout, la salle de traite vieillissante (2 x 2) a eu raison de la bonne volonté de Michelle. Les producteurs ont décidé de convertir toutes les surfaces consacrées aux animaux en verger. Un programme ambitieux de 10 à 15 ha de plantations par an a été lancé, pour arriver, à terme, à 102 ha avec la dernière tranche de plantations, de 7 ha, qui s’achève cet hiver. Des investissements importants ont été engagés : 3 000 €/ha pour les plants, sans compter la main-d’œuvre qu’implique la mise en place de jeunes plantations. L’exploitation a récemment investi dans deux automoteurs de récolte (120 000 € et 60 000 €). Elle est équipée d’une station de tri depuis sept ans (35 000 €). À chaque fois, la coopérative a accompagné les producteurs dans l’acquisition d’outils adaptés à la récolte d’un produit de qualité, à travers des subventions, des prêts à taux préférentiel.

À soixante-deux ans, Jacques a désormais la volonté de conduire tous ses vergers en production avant de passer la main. « L’important est de pouvoir transmettre un outil viable le moment venu », estime-t-il.