«C’est lors d’une mission au Togo que j’ai découvert le pouvoir médicinal des plantes. J’ai ainsi renoué avec la passion transmise par mon grand-père, horticulteur amateur », explique Samuel Moussalli, qui produit des huiles essentielles et des eaux florales à Los Masos (Pyrénées-Orientales).
« Après des études d’ingénieur en communication, j’ai travaillé deux ans chez Peugeot, le temps de me rendre compte que je n’étais pas fait pour la vie de bureau », poursuit le jeune homme. Il s’est alors engagé comme volontaire en milieu rural en Afrique et, en rentrant, il a décidé de devenir agriculteur : « Je me suis d’abord formé. Au lycée agricole de Rouffach, dans le Haut-Rhin, j’ai obtenu un BPREA en maraîchage bio et plantes médicinales. » Puis, il a acquis de l’expérience comme salarié agricole, tout en cherchant où s’installer. En 2009, Samuel a posé ses bagages en pays catalan. En 2011, il a créé Floraluna et implanté ses premières cultures de plantes médicinales sur une parcelle en fermage de 7 000 m². N’atteignant pas la demi-SMI, de 2,5 ha pour ce type de cultures, il n’a pas pu obtenir de dotation jeunes agriculteurs. « J’ai démarré avec 5 000 € d’aides du conseil régional Languedoc-Roussillon. Elles m’ont permis d’acheter un camion pour le transport des plantes. Je me suis ensuite équipé progressivement, en réinvestissant les bénéfices de l’exploitation, tout en travaillant à côté à mi-temps. »
Dans un mas en location, Samuel a converti le grenier à foin en séchoir à plantes, et la forge en distillerie. Il cultive aujourd’hui onze plantes en bio : lavande, lavandin, thym, rose de Damas, menthe poivrée, origan, camomille, sarriette, sauge, hysope et romarin, irriguées grâce à l’eau du canal de Bohère. Pour travailler le sol, il utilise un motoculteur étroit, ce qui lui permet de serrer les rangs et d’optimiser la surface. En bio, le désherbage est un challenge. « Là où le chiendent s’est installé, j’ai semé cet été du sarrazin en engrais vert, qui a un effet nettoyant », explique l’agriculteur.
Paysan herboriste
Les récoltes s’étalent entre mars et octobre.« Pour élargir la gamme, je cueille une quinzaine de plantes dans le milieu naturel : le pin sylvestre, le laurier, le cyprès, le genévrier… », précise-t-il. Après séchage, elles sont distillées dans un alambic. La vapeur envoyée dans la cuve contenant les plantes en extrait l’huile essentielle, qui contient la majorité des principes actifs. Après refroidissement, il n’y a plus qu’à séparer, dans un vase florentin, l’huile, plus légère, de l’eau florale.
Samuel commercialise ses huiles en flacons de 10 ml et ses eaux florales en bouteilles de 200 ml. « Le conditionnement me prend beaucoup de temps, ajoute-t-il. Pour l’instant, je n’ai qu’une petite conditionneuse et je dois poser toutes les étiquettes à la main. » L’agriculteur travaille avec un réseau de boutiques bio, fournit plusieurs magasins Ruche qui dit Oui, et vend sur son site internet.
Ses débouchés ont progressé plus rapidement que sa production. « Je voudrais m’agrandir, mais je ne trouve pas de parcelles à louer à proximité de la mienne », confie Samuel, qui reste cotisant solidaire à la MSA. Pour arriver à servir ses clients toute l’année, il a commencé à acheter des plantes à d’autres agriculteurs intéressés par cette production. « J’achète également des huiles exotiques pour avoir une gamme complète », ajoute-t-il.
Les achats extérieurs dépassant 30 % du chiffre d’affaires agricole, Samuel a dû créer en 2014 une entreprise séparée de l’exploitation. En 2016, il a fait appel à une commerciale pour l’aider dans la recherche de nouveaux débouchés. « Avec cette personne et les agriculteurs qui m’approvisionnent déjà, nous réfléchissons à la création d’une structure collective pour développer une filière bio locale d’huiles essentielles. Le parc naturel régional des Pyrénées catalanes nous accompagne dans la démarche », précise l’exploitant.En six ans, Samuel a réussi à développer une activité dans laquelle il se sent aujourd’hui pleinement à sa place. « Ce n’était pas gagné d’avance, dit-il. Mais depuis deux ans, j’arrive à me rémunérer. » Fin 2016, il a embauché une apprentie pour l’aider. « Je vais pouvoir souffler, et partir en vacances cet été pour la première fois, avec ma compagne et ma fille », se réjouit-il.