Ingrid et Christian Pelloux ont cueilli leurs premières cerises fin avril, une dizaine de jours plus tôt qu’en 2016. Dans les vergers, situés dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, mais aussi dans les bureaux, il faut s’adapter. Ingrid s’est s’organisée pour boucler les contrats d’embauche des 250 saisonniers qui travailleront jusqu’en juin.

Depuis une dizaine d’années, le couple vend la quasi-totalité de sa production (98 %) en grande distribution. « C’est un circuit adapté à la taille de notre entreprise, qui produit 100 tonnes de cerises par an en moyenne, justifie l’agricultrice. Les grandes surfaces sont les seules à pouvoir absorber ce volume durant les deux mois de la campagne. »

Ce choix correspond aussi à la mutation de l’exploitation. Christian a repris l’exploitation familiale située à Cavaillon (Vaucluse) en 1989. « Mes parents cultivaient principalement de la pomme, indique-t-il. Ils vendaient tout à des expéditeurs régionaux. » S’il poursuit dans cette même voie, il développe la cerise sur une parcelle de 90 hectares, dont il fait l’acquisition en 2002 au Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône). Mais en 2009, c’est le coup dur. « La pomme a tiré l’activité vers le bas, explique Ingrid. C’est un fruit coûteux à produire. » Le moral à zéro, Christian doit déposer le bilan. Pour Ingrid, pas question de baisser le bras. « Quand on a des terres, il faut les conserver à tout prix », affirme-t-elle. Elle reprend donc l’exploitation à son compte et créée, en 2010, l’EARL Bigarreaux du Sud. À partir de là, les vergers de pommiers sont convertis vers de la cerise.

Quatre sites

Les plantations se répartissent sur quatre sites de production : Cavaillon, Maillane, Saint-Martin-de-Crau, Eyguières et Le Puy-Sainte-Réparade. Les trois premiers mettent à fruit fin avril-début mai, avec les variétés earlise et burlat, suivies de folfer et summit quinze jours plus tard. Le quatrième verger prend le relais la dernière semaine de juin, avec régina et fertar. « Si un incident climatique ou phytosanitaire survient sur un des sites, on peut s’appuyer sur les autres pour approvisionner nos clients », explique Christian.

Dans la foulée de la création de l’EARL, Ingrid démarche les centrales d’achat régionales de la grande distribution. « J’ai rencontré des professionnels désireux de travailler dans la durée avec des producteurs locaux  », confie-t-elle. Lors de la saison 2011, les premières commandes tombent. Désormais, chaque matin, l’agricultrice téléphone à ses clients pour annoncer les volumes qu’elle leur proposera le lendemain. « Quand je les appelle, nos équipes n’ont pas encore commencé à récolter, précise-t-elle. Toutefois, je sais assez précisément ce que nous allons ramasser. Tous les soirs, mon mari m’indique les quantités qui se dessinent dans les vergers. » Ingrid détermine le prix de vente sur la base du cours moyen de la cerise enregistré par le Réseau des nouvelles des marchés (RNM). Elle l’ajuste en fonction du volume de l’année et du coût de production de la variété. L’an dernier, l’agricultrice a vendu la burlat de calibre 24 + à 4,08 €/kg et la summit de calibre 26 à 3,88 €/kg.

Cueillies en caisse au champ, les cerises sont ensuite calibrées et conditionnées dans la station d’expédition de l’exploitation. Celle-ci propose plusieurs types d’emballage : le colis de 5 kg, la barquette de 500 ou 600 g et le panier de 1 kg. Pour la fête des Mères, elle a même lancé des barquettes en forme de cœur.

« Le choix de la grande distribution nous a permis de redresser la barre, assure Ingrid. Nous vendons nos fruits à des prix rémunérateurs et nous sommes réglés rapidement, six jours après l’envoi de la facture. Avec cette trésorerie, je règle les salariés sans avoir recours à l’avance de la banque. » Ingrid et Christian continuent de remplacer les pommiers par des cerisiers. D’ici à deux ans, ils devraient produire le double du volume actuel. Par ailleurs, ils ont investi en Espagne dans 15 hectares de cerisiers dans la région de Murcia. Ils ont planté la variété ‘Royal Tioga’, à chair ferme. Elle entrera en production dans trois ans. Ils pourront alors proposer à leurs clients des cerises dès la mi-avril. « Dès que nos arbres mettent à fruits, la grande distribution joue le jeu de notre production », se réjouit Ingrid.