Quand Jean Goetz se déplace sur les chemins de la campagne alsacienne afin de surveiller ses cultures ou son matériel d’irrigation, c’est en utilitaire électrique. « C’est autant de particules qui ne sont pas rejetées dans l’air », glisse ce céréalier de 52 ans qui ne se destinait pas précisément à ce métier. Titulaire d’un doctorat de biologie moléculaire, Jean était logiquement programmé pour faire de la recherche fondamentale en laboratoire.
Un accident survenu à son père le fera d’abord provisoirement, puis, après avoir passé son BTA, définitivement revenir sur l’exploitation. « Faire carrière dans une entreprise, c’est incertain. Il y a une pression, l’obligation d’adhérer aux orientations sur lesquelles on travaille. J’ai toujours eu besoin d’éthique, pas seulement de gagner un salaire. L’agriculture, c’est un choix de vie. On supporte mieux les choses quand on les décide soi-même », dit-il.
Premier blé en 2012
Jean reprend la moitié plus une, des parts de l’EARL familiale en 2000. Il s’installe sur les 98 ha que lui transmet son père. Ce sont des terres légères dont la réserve hydrique utile ne dépasse pas 40 mm. Remembrées en 1986-1988, elles se répartissent en neuf îlots de 1,5 à 27 ha irrigués par pivots, rampe, enrouleurs ou couverture intégrale. Aucun n’est à plus de trois kilomètres du siège de l’exploitation à Rumersheim-le-Haut.
L a première décision de Jean est de rompre avec la monoculture de maïs grain pratiquée depuis 1980. Il introduit d’emblée 15 ha de soja alimentaire « par choix agronomique » tout en profitant de contrats mis en place par sa coopérative. Pour contourner la problématique des cailloux, il fait effectuer le semis par un prestataire disposant d’un équipement lourd qui rappuie la graine à 2-3 cm. Jean obtient des rendements qui tutoient régulièrement la barre des 40 q/ha. Il se félicite surtout de l’expérience acquise. « Quand la découverte des premières chrysomèles des racines du maïs en 2003 a obligé à la rotation, j’étais prêt », se souvient-il. Jean n’a testé pour la première fois le blé qu’en 2012 pour se conformer à l’obligation des trois cultures dans l’assolement. Il opte pour des variétés panifiables, notées « assez résistantes » à la septoriose et à l’helminthosporiose, comme Solehio et Rubisko. Sa philosophie est d’utiliser un minimum d’intrants. Il se fixe un objectif de 210 unités d’azote fractionnées en trois, voire quatre apports et un taux de protéines de 12 %. Il n’hésite pas à faire l’impasse sur l’herbicide quand il le peut et s’interroge sur les deux fongicides imposés par le cahier des charges.
Le maïs irrigué demeure la pierre angulaire de l’assolement. Il revient trois ans de suite avant un blé ou un soja. Jean en sème six variétés, essentiellement demi-précoces, pour étaler à la fois le risque et la récolte. Il calcule 230 unités d’azote par ha pour un rendement de 130 q et plus. Il vend 90 % de ses cultures à la récolte et les 10 % restants avant fin mars. « Avec des cours très fluctuants, je suis très prudent », convient-il. Ses quatre derniers exercices n’ont pas été bons, la faute à des prix insuffisants, parfois cumulés à des rendements en retrait et à une qualité en berne. « La crise a cassé la dynamique d’évolution technique de mon métier. J’ai coupé mes investissements pour survivre », lance Jean. La recrudescence des « excès climatiques » l’inquiète. Mais il se refuse à être « négatif ». Quand il pense à l’avenir, Jean évoque le passage au bio qui le pousserait à abandonner le maïs et à répondre à de nouveaux et sérieux défis techniques. Il songe au circuit court en maraîchage avec un partenaire (qu’il n’a pas encore) avec le point d’interrogation que constituerait la main-d’œuvre.
Petite marge en 2017
Mais dans l’immédiat, Jean croit en l’agriculture de précision pour réduire sa consommation d’intrants. Le guidage RTK, dont il s’est équipé pour 20 000 € en 2013, attend des compléments sous la forme de coupure de tronçons afin d’éliminer les chevauchements et de moduler les densités. Un des pivots qui facilite la vie de Jean tout l’été est aussi à renouveler. Il se veut confiant en signalant : « le remboursement d’un prêt sur quinze ans qui arrive à échéance en 2017 me redonne une petite marge de manœuvre. »