«Enfant, je venais en vacances depuis les Yvelines sur la ferme de mon oncle Marcel, qui élevait des brebis noires du Velay dès les années 1970, raconte Pascal Crespy, installé à Le Monastier-sur-Gazeille, en Haute-Loire. J’ai repris son exploitation le 20 juillet 1994, lorsqu’il est parti à la retraite. Je venais de terminer des études en machinisme agricole. Le choix de la race n’a jamais été remis en cause : nous avons la chance d’être dans le berceau de cette race rustique, maternelle et facile à désaisonner. » Dès son installation, Pascal fait évoluer le système conduit en un agnelage par an à trois agnelages en deux ans. La bergerie existante est équipée d’auges mécaniques en 1998. En 2002, un nouveau bâtiment est construit. Il abrite les agneaux d’engraissement et les agnelles. Le troupeau augmente, pour atteindre sa taille actuelle de 360 brebis. « Un effectif suffisant pour bien maîtriser la conduite technique », précise l’éleveur, que Marcel, 83 ans, a encore plaisir à aider occasionnellement.

Le troupeau est conduit en deux lots et trois périodes d’agnelage, en juillet-août, novembre-décembre et mars-avril. Les agnelles de renouvellement sont issues des agnelages d’été. Elles sont mises en lutte à l’âge de 11 mois et affichent un taux de fertilité de 85 %. « La noire du Velay a la particularité de posséder deux gènes d’hyperovulation. Nous conduisons un travail intéressant sur son génome avec l’Inra de Toulouse », explique Didier Cathalan, technicien des filières ovines à la chambre d’agriculture de Haute-Loire et animateur de l’OS noire du Velay au sein des Races ovines des massifs (ROM). Le troupeau affiche 186 % de prolificité. La moyenne de la race est comprise entre 170 et 175 %. La conduite du troupeau permet une accélération du rythme d’agnelages. La productivité numérique atteint 198 %, avec un poidsà âge type (PAT)des mâles doubles de 11,4 kg.

43 ha de prairies naturelles de montagne assurent l’autonomie fourragère du troupeau en « année normale », c’est-à-dire sans sécheresse. Les brebis sont mises à l’herbe en deux lots (un lot de brebis allaitantes et un de gestantes) dès fin mars-début avril. « La pousse est rapide en montagne, il ne faut pas se faire gagner par l’herbe, » commente Pascal. Tous les prés sont déprimés. Le chargement moyen au pâturage est de 20 brebis par hectare. Les agneaux restent en bergerie, seules les mères sortent et rentrent deux fois par jour pour les allaiter. « Le fort instinct maternel des noires facilite ces manipulations, poursuit-il. Elles ramassent bien leurs agneaux et affichent une bonne capacité laitière. »

Autonome en fourrages

Sur les 23 hectares qui sont fauchés, 10 ha sont enrubannés durant la première quinzaine de mai et 13 ha fanés début juin. Une seconde coupe est habituellement réalisée sur les surfaces d’enrubannage. Le stock ainsi réalisé assure une autosuffisance en fourrages. L’enrubannage et le foin sont distribués en trois repas par jour durant l’hiver. Toute la complémentation est achetée, car aucune céréale n’est produite sur l’exploitation. Le troupeau reçoit du maïs grain, à raison de 300 à 600 g par jour, en fonction des besoins des différents lots. Les agneaux à l’engraissement consomment un aliment concentré à 16 % de matières azotées totales (MAT), distribué à volonté. Les ventes s’étalent sur l’année pour les agneaux de boucherie. L’objectif de carcasses de 20 kg est atteint avec un régime foin et aliment concentré. Les agneaux affichent entre 40 et 45 kg vifs à leur départ. Pascal adhère à l’association des producteurs d’agneaux noirs du Velay (lire l’encadré).

Le prix de la viande, fixé chaque année, est de 6,50 €/kg depuis quatre ans. Les agnelles pour la reproduction sont vendues entre 3 à 4 mois et jusqu’à 8 à 10 mois. « La demande globale porte sur 1 000 à 1 300 femelles par an, avec des marchés locaux et extérieurs à la région, à la suite des conversions de cheptels et des installations », précise Didier Cathalan. « Même la laine se différencie, souligne Pascal, qui tond lui-même son troupeau. Des protéines spécifiques lui donnent un débouché pour des produits cosmétiques fabriqués dans les Bouches-du-Rhône. Nous la vendons 4 euros le kilo lavé. »