«Grâce à mon outil informatique, je suis parvenu à tirer le maximum de revenu de ma petite exploitation », assure Michel Bourrousse, agriculteur sur une soixantaine d’hectares à Saint-Puy, dans le Gers. Le développeur en herbe a conçu un fichier Excel intelligent, qu’il améliore, seul, depuis une quinzaine d’années.
Son premier objectif a consisté à connaître avec précision ses coûts de revient par culture. Au fil du temps, l’agriculteur a affiné son fichier, et est aujourd’hui au fait de ses charges, et plus uniquement par culture, mais aussi par tonne produite. Et ce n’est pas tout ce que l’outil lui apporte ! Il affirme être capable de simuler les changements sur sa ferme, ainsi que d’anticiper les répercussions financières qui y sont liées. « J’arrive à définir ma stratégie sur le long terme : choisir mes assolements, mes itinéraires techniques et mon matériel. »
Dans une ambiance de secrets, l’agriculteur veut bien nous révéler le fonctionnement de son fichier Excel. Il allume son ordinateur, et entreprend de vulgariser sa création complexe.
Des données accumulées au cours des années
« Avant tout, pour obtenir mes coûts de revient, j’entre le prix des semences et la dose par hectare puis, après chaque tâche, le nombre d’heures de travail effectuées sur les parcelles. » Ses charges de mécanisation sont ensuite automatiquement calculées puisqu’il a indiqué en amont les consommations de GNR pour chaque type de travaux (labour, récolte, semis, etc.) et les valeurs des matériels (dégressives, de manière à prendre en compte la reprise lors du renouvellement).
Si la tâche est réalisée par un entrepreneur, il notifie simplement le montant de la facture. Il ajoute ensuite les coûts de structure, tels que le foncier et les cotisations sociales. Enfin, les intrants viennent s’additionner au total des charges. Estimant que les aides Pac sont un renfort à la production et non un complément de rémunération, il soustrait leur montant du total. Le chiffre obtenu à la sortie est donc un coût de production à l’hectare.
Simuler les coûts de production
Une fois la récolte terminée, les rendements sont renseignés pour chaque parcelle. Michel obtient ainsi le montant de ses charges à la tonne. C’est la partie simple du processus. En effet, comme son tableur est désormais bien fourni en informations accumulées au cours des années, l’agriculteur est en mesure de calculer les coûts de production « imaginaires ». Il explique : « Le tableur a intégré les coûts à l’heure de chaque travail, les prix de nombreux intrants et semences. Alors, quand j’imagine un nouvel itinéraire technique, ou tout simplement un assolement, mon ordinateur me précise les influences de chaque modification sur mes charges. » Concernant les anticipations de rendements, l’agriculteur fait appel à sa connaissance du potentiel de ses terres ainsi qu’à l’irrigation, ce qui lui permet de lisser les résultats. Il confie également se servir d’estimations basses de manière à minimiser les risques.
Une confiance totale
Dans le but d’aller encore plus loin, Michel entre les estimations obtenues sur une application qu’il a co-développée pour la mise en place de stratégies de vente plus sûres face aux incertitudes du marché. Ce qui lui donne ainsi la possibilité, en plus de prévoir ses charges, d’évaluer approximativement ses futurs revenus.
L’agriculteur a tellement confiance en son outil, qu’il a entamé une conversion bio en 2016 parce que la simulation sur son fichier Excel lui avait donné le feu vert. Résultat : « Bingo ! L’année 2018 est la meilleure en matière de marge nette depuis longtemps, alors que j’ai subi de grosses inondations au printemps dernier », observe-t-il. Tout ça grâce à un fichier élaboré sur Excel.
Loris Coassin