Depuis que les touristes chinois se sont pris de passion pour les champs de lavande et de lavandin du plateau de Valensole, la petite boutique de Cathy Gradian, productrice de la fleur bleue dans ce village des Alpes-de-Haute-Provence, ne désemplit pas. Depuis dix ans, ils sont des milliers de Chinois à visiter les champs de lavande en fleur entre mi-juin et mi-juillet. « Avec leur arrivée, nos ventes ont plus que doublé, déclare l’agricultrice, dont le fils et la belle-fille viennent de reprendre l’exploitation de 220 ha, dont 80 cultivés en lavandin et 10 en lavande. La moitié de la récolte est transformée et commercialisée sur le point de vente sous forme d’huile essentielle, de miel, de confiture, de savonnette, de sachets… « Aujourd’hui, plus des deux tiers de l’activité réalisée par la boutique se font entre le 1er juin et le 15 août », enchaîne Cathy Gradian. Car, en plus des Chinois, de nouveaux touristes : Italiens, Espagnols, Polonais, Russes, Canadiens, Brésiliens se pressent, désormais, à Valensole. Preuve de cet engouement, la Fête de la lavande, organisée le 21 juillet dernier, a attiré 33 000 visiteurs. Un record ! « Grâce à eux, notre filière est connue dans le monde entier », se félicite l’agricultrice.

Polémique sur les dégâts

Il arrive toutefois qu’on reproche aux touristes d’abîmer les plantes en pénétrant dans les parcelles et de dérober des brins en quantités excessives. Un producteur s’en est plaint dans les médias cette année. « Il est vrai que les touristes cueillent des fleurs, observe Jean-Pierre Jaubert, qui cultive 200 ha de lavande et de lavandin à Valensole. Mais, ce n’est rien comparé aux retombées commerciales qu’ils génèrent. » Il met un point d’honneur à accueillir ses visiteurs. À la floraison, il reçoit une trentaine de bus par jour sur son exploitation. « On se rend dans les parcelles, puis on leur montre le procédé de distillation et tout cela gratuitement », explique-t-il. Sa fille Pauline a ouvert une boutique à côté de l’exploitation, où elle commercialise 10 % de leur culture : des produits à base d’huile essentielle et une gamme de cosmétiques, qui remportent un grand succès. Ici, pas de barrière de la langue. Sur la dizaine d’employés qui y travaille, plus de la moitié est d’origine chinoise, italienne, allemande et russe.

Atelier de distillation

Le phénomène gagne les autres départements producteurs de lavande et de lavandin. Dans la Drôme à Chamaloc, Alain Aubanel produit sur 30 ha et tire la moitié de son revenu du tourisme. Il espère monter à 80 % à moyen terme. Car les aléas climatiques et la concurrence de la Bulgarie, avec ses extraits vendus à très bas prix, l’inquiètent. Alors, l’an passé, il a créé un atelier pédagogique. Ses visiteurs sont majoritairement européens. Ils viennent couper la lavande avec une faucille, puis la distillent dans un alambic installé dans les champs. Les touristes repartent ensuite avec un flacon d’huile essentielle réalisée avec leur cueillette. Montant de cette activité d’une durée de 2 heures : 12 € par adulte. Sa boutique de 15 m2 étant devenue trop petite, Alain Aubanel va en construire une nouvelle de 100 m2 l’an prochain. Il a également lancé la vente en ligne sur son site internet. Le tourisme autour de l’or bleu de Provence a encore de beaux jours devant lui. Chantal Sarrazin