Le bouche-à-oreille et le réseau professionnel restent, de loin, les meilleurs prescripteurs. Parlez-en largement autour de vous : famille, amis, voisins… « Taire votre projet de transmission serait contre-productif, avertit Martial Pouzet, conseiller transmission à la chambre d’agriculture de Charente. « Non seulement vous vous privez de contacts potentiels mais vous fragilisez l’assise foncière de votre exploitation. Communiquer clairement évite que les voisins aillent voir les propriétaires et que le foncier parte. Ces derniers peuvent en toute bonne foi s’engager à les céder à d’autres, s’ils ne connaissent pas votre projet. » Impliquer le propriétaire est donc une sage précaution.

Provoquer et participer

« Il faut être proactif et provoquer les rencontres, renchérit Hélène Billet, son homologue dans les Deux-Sèvres. Participez aux rencontres cédants-repreneurs organisées localement. Être dans une posture ne suffira pas. » Les chambres d’agriculture organisent chaque fin d’année la Quinzaine de la transmission (du 21 novembre au 4 décembre en 2018). Le réseau des Adear (Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural), proche de la Confédération paysanne, est très investi dans cette mission. Faites-vous connaître auprès des équipes départementales (www.jeminstallepaysan.org) et participez aux « Cafés installation-transmission ».

Vous pouvez activer simultanément plusieurs canaux pour faire savoir que votre exploitation est à transmettre (lire ci-contre). Mettez une annonce, gratuite et non-exclusive, sur le répertoire départ-installation (RDI) géré par les chambres d’agriculture (www.repertoireinstallation.com). Ce site met en ligne, selon les statistiques des chambres, plus de 6 000 offres d’exploitations à céder chaque année, et chacune serait consultée 1 800 fois. À ce jour, environ 2 700 offres sont en ligne (pour une installation individuelle ou entre associés). Le site décrit le bien et les conditions de reprise souhaitées, mais sans préciser le prix ni l’adresse exacte. Les candidats doivent passer par le conseiller au RDI de la chambre pour être mis en relation avec le cédant.

 

Quand faut-il s’inscrire au RDI ?

Idéalement deux ans et demi avant la date souhaitée de départ en retraite, recommande Nicolas Walter du RDI de la Creuse. « Cela donne du temps au cédant pour rencontrer plusieurs candidats. Et l’échéance n’est pas trop lointaine pour un porteur de projet. Au-delà, il ne se projette pas », avertit le conseiller.

 

Que recherchent les jeunes ?

Certains recherchent des exploitations dites « conventionnelles » et utilisent surtout les réseaux professionnels pour repérer les offres. D’autres candidats, de plus en plus nombreux, sont attirés par des petites structures avec de la diversification, du bio, des circuits courts. Ces derniers, souvent en reconversion, peuvent être très diplômés mais peu ou pas formés en agriculture. Sur le RDI, l’offre de fermes à reprendre et la demande coïncident de moins en moins, constate une conseillère de chambre d’agriculture.

 

Comment savoir si un jeune est « sérieux » ?

Ses compétences, sa maturité et sa capacité financière sont des garanties. Pour autant, il ne sera pas comme vous vous souvenez avoir été en vous installant. Ses idées et son projet pourront vous déstabiliser. Soyez ouvert et à l’écoute, sans vous braquer. Les mentalités ont changé. Les jeunes n’envisagent pas forcément de faire toute leur carrière dans l’agriculture. Ils veulent des vacances, une vie sociale, la proximité de la ville lorsque le conjoint travaille à l’extérieur, etc.

 

Faut-il attendre d’avoir un coup de cœur pour un candidat ?

Il n’y a pas de repreneur idéal, tout comme il n’y a pas de mouton à cinq pattes, sourit Hélène Billet, conseillère transmission dans les Deux-Sèvres. « N’attendez pas l’hypothétique repreneur de vos rêves, vous risqueriez de rater des opportunités ! Il faudra toujours négocier et faire des concessions. » D’où l’importance d’être clair sur l’essentiel non négociable et les compromis acceptables. Après quelques visites, vous aurez une meilleure idée de la nouvelle génération et de ses attentes.

Quel est l’intérêt de passer par une agence immobilière?

En prenant garde de travailler avec des connaisseurs de l’agriculture, les agences ont l’intérêt de donner de la visibilité au bien à vendre et de filtrer les candidats ayant un profil adéquat et la capacité financière, explique Bernard Charlotin, président de Quatuor Transactions, agence spécialisée dans les ventes d’exploitations agricoles depuis 2004. « Nous avons une centaine d’exploitations agricoles à vendre et une cinquantaine viticoles sur la moitié ouest de la France. Du mandat à la vente s’écoulent en moyenne quinze mois, et plutôt dix-neuf mois en 2017. Nous préférons nous investir sur des mandats exclusifs pour lesquels nos honoraires sont de 6,25 % HT. »

 

Que dire à un candidat au téléphone ?

C’est un premier contact à réussir pour donner envie au candidat de poursuivre sa démarche. Proposez de le rappeler ultérieurement si vous êtes occupé. Vérifiez qu’il a les bonnes informations sur l’exploitation et écoutez sa demande. Ce n’est pas le moment de répondre à toutes les questions, ni de parler du prix. Proposez d’aborder les sujets plus complexes lors d’une rencontre.

 

Comment organiser une visite d’exploitation ?

Pour être efficace et à l’aise, préparez la première visite : qui doit y participer, où recevoir le candidat, que raconter à la première rencontre, quel circuit de visite pour montrer quoi. Présentez l’exploitation en donnant envie, en étant positif et en mettant en avant ses atouts. Pendant le rendez-vous, prenez le temps d’écouter le candidat sur son parcours et ses intentions, sans jugement de valeur. L’important est la faisabilité de son projet, même si vous n’avez pas fait les mêmes choix. Enfin, accordez-vous sur les prochaines étapes : compléments d’informations à donner, deuxième visite, etc.

 

Un dernier conseil…

Soyez très clair sur votre projet avec votre conjoint et votre famille. Des hésitations ou tergiversations pourraient décourager le candidat. Etablissez une relation de confiance. « Les cédants qui ont investi sur la qualité de la relation avec leur repreneur sont ceux qui vivent le mieux leur transmission, car ils restent en bons termes avec eux », complète Hélène Billet.