«Mes agnelles passent toujours leur premier hiver en pension au Gaec Hegoalde, à La Bas­tide-Clairence, dans les Pyrénées-Atlantiques », déclare Pascal Oçafrain. C’est à une cinquantaine de kilomètres de Saint-Étienne-de-Baïgorry, une commune du Pays basque où il élève, avec sa compagne Solange, 370 brebis manechs. Ils produisent du lait, qu’ils vendent à la coopérative pour la production de fromage AOP Ossau-Iraty.

Ils détiennent aussi 20 vaches blondes d’Aquitaine, mais ne disposent que de 25 ha de prairies permanentes en plus des parcours en estive. « Nous n’avons pas suffisamment de fourrages sur l’exploitation pour nourrir tous les animaux pendant l’hiver, ajoute Pascal. Nous achetons déjà de la luzerne en Espagne et des concentrés pour les brebis. L’achat supplémentaire nous reviendrait trop cher. La place dans les bâtiments manque aussi pour abriter les troupeaux. » La situation du Gaec Joanes Haundi n’est pas exceptionnelle : c’est celle des exploitants de la montagne. Les associés ont donc noué un partenariat avec une exploitation qui produit des fourrages depuis plus de trente ans.

Des accords tacites

« Ce type de rapport est une tradition dans notre département, confirme Jean Beudou, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques. Les ententes entre les exploitants sont tacites. Lorsque chacun joue son rôle, les liens perdurent. » Le propriétaire qui accueille la troupe ovine pendant l’hiver apprécie que le détenteur des agnelles prenne régulièrement des nouvelles de ses animaux. À l’inverse, si le propriétaire du terrain remarque un animal malade, il en informe alors l’éleveur, qui vient lui-même prodiguer les soins. « Cela arrive rarement, explique Yves Hirigoyen, à la tête du Gaec Hegoalde avec Marine Begyn. Si toutefois je remarque des chiens errants, j’en informe Pascal et il vient rapidement. »

Les agnelles sont donc sous étroite surveillance. Le Gaec Hegoalde a l’habitude des animaux. Il est spécialisé dans la production de reproducteurs et de broutards blonds d’Aquitaine, avec un troupeau de 75 mères sur une SAU de 42 ha. Celle-ci comprend 36 ha de prairies et 8 ha de maïs (pour l’ensilage plante entière et maïs épi). Yves et Marine élèvent également des poulets label.

Des clôtures adaptées

Les agnelles pâturent sur leur exploitation du 1er octobre au 1er mai à la suite des blondes d’Aquitaine. « Les parcelles sont clôturées avec cinq rangs de barbelés, ce qui permet de contenir les bovins et les ovins, indique Yves. Un réseau d’eau alimente également l’ensemble de nos surfaces. Il suffit de mettre un bac adapté à la taille des jeunes femelles pendant l’hiver. » À cette époque de l’année, l’herbe est souvent gorgée d’eau et les animaux boivent peu. Les agnelles valorisent l’herbe sans abîmer la prairie. Yves s’occupe de changer le lot régu­lièrement au fur et à mesure de la dis­ponibilité de l’herbe dans les parcelles, de façon à ce qu’elles ne manquent pas de nourriture.

En fin d’hiver, les agnelles pâturent aussi le couvert de ray-grass x trèfle semé après la récolte du maïs. « Le passage des ovins a un effet bénéfique sur les jeunes plantes, observe Yves. Le tallage est favorisé. Le couvert repousse plus densément. Après les brebis, je réalise un apport d’ammonitrate pour stimuler la pousse, qui est récoltée en ensilage à la mi-avril. »

5 € par agnelle et par mois

Au cours des sept mois, le lot d’agnelles a des besoins d’entretien. « Nées au cours de l’hiver précédent, elles sont des­tinées à un agnelage à 2 ans, précise Jean Beudou. Parfois, des brebis dont la mise bas est prévue tardivement (janvier) peuvent intégrer le groupe. Juste avant l’agnelage, elles retournent sur leur exploitation, tandis qu’une autre brebis vide prend alors sa place dans les pâ­tures. » Cela évite les comptes d’apothicaires pour le calcul de la pension. « Je reçois 35 € par tête pour les sept mois, soit 5 €/agnelle/mois, précise Yves Hirigoyen. Ce complément de revenu est important pour moi. Il finance une partie de mes achats d’engrais. »