Des espaces de contraintes, les parcs naturels ? Ils s’en défendent et se présentent plutôt comme des espaces de projet et d’expérimentation.

« Notre travail, c’est l’animation du territoire », expose France Drugmant, chargée de l’agriculture à la fédération des parcs naturels régionaux (PNR). « Il n’y a aucune obligation réglementaire propre aux PNR. La charte du lieu donne des orientations, surtout exigentes pour les régles de construction et d’affichage publicitaire. Par contre, un parc abrite souvent des sites classés (Natura 2000, etc.), qui sont soumis à des réglementations particulières. »

Dans un parc national, en revanche, certaines pratiques peuvent être réglementées. Mais uniquement dans le cœur de ce territoire. La zone d’adhésion, tout autour, respecte une charte, qui fixe les grandes orientations pour le territoire, sur quinze ans. En tout état de cause, « l’agriculture était là bien avant la création des espaces protégés, rappelle Thierry Durand, directeur adjoint du parc national des écrins. Elle fait partie de notre patrimoine. On veut la maintenir. »

Certes, des conflits existent. Par exemple autour du loup ou d’autorisations de travaux non accordées. Mais les parcs se revendiquent, avant tout, comme des « territoires de projet ». Grâce à leur équipe pluridisciplinaire, ils peuvent rapprocher des mondes qui se parlent peu : tourisme, agriculture, science, milieu associatif… Même avec peu de moyens financiers, ils peuvent ainsi jouer le rôle de catalyseurs de projet. À commencer par le domaine alimentaire.

Des marques locales

Bien avant de créer leurs marques « Valeurs parc » et « Esprit parc national », ces espaces ont cherché à promouvoir leurs productions locales. C’est le cas de l’AOC bleu du Vercors, dont le PNR a monté le dossier de reconnaissance et qu’il continue à soutenir. Le PNR du Vexin, qui ne jouit d’aucune AOC ni IGP, organise des « balades gourmandes », tandis que celui des Baronnies provençales a organisé, en 2013, un concours d’artisans-boulangers et de pâtissiers afin de créer des recettes avec des produits locaux…

Certains parcs portent des projets alimentaires territoriaux (PNR du Livradois-Forez), relancent des filières en déclin (sarrasin dans le PNR de Millevaches), installent des éleveurs pour entretenir les milieux propices à l’embroussaillement (PNR Pyrénées ariégeoises)…

Parfois, leur rôle d’interface avec le grand public va plus loin. Le PNR du Vexin organise, par exemple, des « dialogues à la ferme », qui attirent des riverains curieux de l’agriculture. « On est souvent interpelés par des personnes non issues du monde agricole, qui demandent pourquoi maintenir l’élevage dans cet espace alors que c’est mauvais pour la planète, témoigne Delphine Filipe, chargée de l’agriculture au PNR. Il est important de montrer que nous sommes du côté de la profession. »

Interaction des milieux

Une profession qui, parfois, vit mal le regard des parcs sur ses pratiques. Même s’ils utilisent bien plus souvent l’incitation que l’interdiction : les MAEC et le « concours des prairies fleuries » sont leurs principaux outils pour valoriser les pratiques durables. Ces territoires encouragent aussi la formation et les échanges entre agriculteurs. Ainsi, ceux de la région Paca ont édité un recueil de savoir-faire paysans, tandis que le parc des écrins a fondé le réseau « Alpages sentinelles » (étendu depuis à d’autres massifs), pour étudier avec les éleveurs les interactions entre les milieux, les pratiques pastorales et le climat…

Sans se cantonner à la biodiversité sauvage, ils veillent sur celle d’ordre domestique, en lien avec les conservatoires botaniques ou de races menacées. Des races en déclin se voient réintégrées dans des cahiers des charges « Valeurs parc » (l’AOC bleu du Vercors impose au moins une vache villarde, pourtant très peu productive), des variétés anciennes sont réintroduites dans des vergers paysans (dans le PNR du Lubéron)…

En bref, un parc, régional ou national, a pour mission de conserver la nature, mais avec l’agriculture. Souvent, en s’appuyant sur elle.

par Bérengère Lafeuille, Bertille Quantinet et Marie Salset