Le développement du numérique, l’émergence de l’intelligence artificielle et de la robotique ne se limitent pas qu’aux fermes et aux champs. Ils révolutionnent aussi la comptabilité et la gestion de l’exploitation agricole. L’automatisation des tâches réalisée grâce à ces innovations fait gagner du temps aux prestataires comptables. Un temps que ces derniers veulent réorienter vers davantage de conseil. « Les exploitants ne souhaitent plus mettre de l’argent seulement dans de la prestation comptable pure et dure, constate Yannick Peltier, responsable du pôle agricole chez Cogep. Ils veulent plus de conseil en gestion de leur exploitation et de leur patrimoine. »

Une vision également partagée par Thibault Magnien, responsable juridique et conseil agricole au cabinet Berson et associés (lire en page 46). « L’idée est de proposer un meilleur service au client pour le même temps : moins d’heures comptables pour plus de conseil. »

La facturene devrait pas baisser

Pour autant, la facture adressée à l’exploitant ne devrait pas diminuer de manière importante, comme l’explique Jean-Marie Séronie, consultant indépendant et ancien directeur d’un CerFrance (lire notre interview en page 45). Le prestataire comptable doit en effet supporter de nouveaux coûts correspondant aux prix des logiciels et du traitement des données. De plus, l’économie de temps n’est pas toujours immédiate. « Quel que soit le volume de pièces comptables, le gain de temps apparaît principalement dès la deuxième année, confesse Yannick Peltier. Durant la première, des mandats doivent être signés et les logiciels paramétrés. » Si la transmission éDI (échange de données informatisé) a révolutionné la récupération des données produites par les coopératives et celle des relevés bancaires, celle-ci doit d’abord être soumise à la signature par l’exploitant d’un document autorisant son prestataire comptable à recevoir directement les données par voie dématérialisée.

Au cabinet Berson et associés, on utilise un logiciel capable de lire une facture et de la retranscrire directement en écriture comptable. Mais là aussi, le gain de temps n’est pas visible immédiatement. Plusieurs données (le montant de TVA ou le nom du fournisseur par exemple) sont parfois laissées de côté par le logiciel. Dans ce cas, c’est au comptable de saisir manuellement les informations manquantes et d’apprendre au programme à les reconnaître la prochaine fois. « Il y a une marge de progression du côté de l’éditeur, admet Thibault Magnien. Mais l’économie de papier reste énorme. Notre photocopieur imprimait plus d’un million de copies par an. Nous espérons bientôt passer à cinq cents mille. »

Le robot, l’automatisation poussée à l’extrême

Le papier est la première victime de la dématérialisation. Face au développement de la facturation électronique, le cabinet Bizouard et associés a mis en place un robot « collecteur marchand ». « C’est un petit programme qui permet de récupérer des documents automatiquement, explique Nicolas Raimundo, chargé de projets informatiques. Il se synchronise avec les espaces privés des sites internet partenaires. » Ces derniers concernent principalement des sites marchands et des fournisseurs d’accès internet ou de téléphonie mais la liste des partenaires a vocation à s’étoffer. Pour lancer la synchronisation automatique, l’exploitant doit au préalable paramétrer le robot en saisissant une seule fois ses identifiants et mots de passe. La promesse de manipulations en moins.

La comptabilités’exporte en ligne

En parallèle de ces différentes avancées technologiques, certains opérateurs proposent, quant à eux, une prestation comptable 100 % en ligne. Lancée en décembre 2015, Terre de Compta, filiale de Cogedis, met à disposition de l’exploitant agricole un espace sécurisé où ce dernier peut déposer ses pièces comptables préalablement scannées. La grande différence, c’est qu’ici, comptable et client n’échangent qu’à distance au travers de mails, téléphone ou rendez-vous en visioconférence. Une situation qui peut rebuter ceux qui préfèrent garder un contact physique mais qui a l’avantage d’être moins cher.

Des services à l’épreuve de la fracture numérique

Même si certaines de ces innovations n’en sont qu’à leurs débuts, leur développement reste lié à celui de l’internet haut débit et du réseau internet mobile. Les zones blanches existent encore dans certains territoires ruraux. Une étude publiée par QoSi le 22 janvier dernier révélait les lacunes de certains opérateurs à couvrir l’ensemble du territoire au réseau internet mobile. Le débit de ce dernier était jugé mauvais (1) en 2018 pour 41 % des communes françaises, dont 97 % étaient situées en zone rurale. Un véritable frein au développement de ces nouveaux outils comptables.

(1) Débit inférieur à 10 Mbps.

par Alexis Marcotte