«Il y a deux ans, j’étais en burn-out. à 37 ans, je touchais le fond et ma vie de famille s’écroulait avec le départ de ma compagne. J’ai consulté des médecins, un psychologue de couple… Je suis aussi allé vers le développement personnel, et j’ai suivi un stage de trois jours, "Avoir un moral de gagnant", organisé par la chambre d’agriculture. Petit à petit, les choses se sont améliorées.
« Accepter de recevoir »
Je me suis installé en 2011, avec un associé, sur 185 hectares. Nous avions quarante vaches allaitantes de race maraîchine. Moi qui ne viens pas du milieu agricole, j’avais l’envie et la fierté d’y arriver. Je voulais me débrouiller seul, sans demander d’aide.
Je me suis enfermé dans le travail. Je restais de plus en plus tard à la ferme et tous les dimanches. Je sais maintenant que je le faisais aussi pour fuir une réalité difficile à la maison, avec mon petit garçon polyhandicapé. En plus d’être épuisé physiquement, j’étais aussi déprimé. Je ruminais beaucoup. Je vivais dans le passé et le futur, mais pas dans le présent. J’avais une colère intérieure forte, j’en voulais à tout le monde. Pour ne rien arranger, je pensais avoir raison pour tout…
Quand ma compagne m’a quitté, tout s’est écroulé. Ma chance est d’avoir eu de la famille et des amis qui se sont occupés de moi. J’ai appris à accepter de recevoir, moi qui étais toujours "donneur".Aujourd’hui, je garde mes deux enfants une semaine sur deux. Ça apprend à gérer les priorités. Je me suis inscrit à des cours de danse de salon, j’ai découvert la bachata. Physiquement, je prends davantage soin de moi. Ce sont des petits pas, mais ils vont dans le bon sens.
Progressivement, j’ai admis l’idée de ne pas tout faire. J’ai découvert qu’on a le droit de ne pas y arriver, et qu’on est quand même quelqu’un de bien. Quand une "tuile" arrive, je prends du recul et je cherche des solutions. Je demande de l’aide, moi qui ne faisais pas confiance aux autres. Par exemple, quand mon associé s’occupe des animaux, je sais qu’il fera différemment de moi. Et après tout, il n’y a pas que moi qui "sais bien faire".
J’ai pris l’habitude, chaque soir, de me dire trois choses positives et agréables concernant la journée, même toutes bêtes. Ça ancre dans du positif. D’ailleurs, j’ai arrêté d’écouter la radio qui assène des mauvaises nouvelles. À la place je m’intérese beaucoup à la musique. Le travail m’enfermait dans un mode "je dois, il faut". Maintenant, je me dis "j’ai envie". J’en fais moins et je l’assume. »
Sophie Bergot