Les chiffres sont alarmants. L’épuisement professionnel toucherait plus d’un actif sur dix, soit plus de 3 millions de personnes en France. Et parmi elles, les agriculteurs sont la catégorie socio-professionnelle la plus exposée (1). Un exploitant sur cinq se dit « vidé » par son travail, soit deux fois plus qu’un cadre ou qu’un artisan-commerçant. Et un sur trois estime qu’il travaille trop, mais ne voit pas comment ralentir.

Ces chiffres de 2014 ont été corroborés par une enquête réalisée en Saône-et-Loire l’an dernier (2) : 40 % des agriculteurs interrogés avaient un risque élevé d’épuisement et 75 % une vision négative de leur avenir. Ces résultats peuvent expliquer le succès du dispositif d’aide au répit, organisé par la MSA. Ce dernier a permis à 3 560 d’entre eux, majoritairement des éleveurs, de souffler pendant huit à dix jours au cours de 2017.

Le secteur cumule les facteurs de risque : temps d’activité élevé (3), astreintes les week-ends, absence de « coupures ». Au travail excessif peuvent s’ajouter le poids de l’isolement géographique et social, ainsi qu’un environnement anxiogène (instabilité des marchés, crainte des aléas, critiques sociétales, etc.).

Pour autant, il y a de l’espoir. Les témoignages recueillis dans ce dossier prouvent qu’il est possible, avec du soutien, de redresser des situations qui semblaient inextricables : en changeant de production, en apprenant à se réorganiser ou encore en changeant d’air.

La question de la santé au travail ne peut plus être un tabou. Selon l’expert François-Régis Lenoir, « les syndicats et les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour repenser l’environnement socio-économique des agriculteurs ». En somme, de les accompagner dans les nécessaires évolutions du métier, en les encourageant et en les protégeant, plutôt qu’en utilisant les coups de bâton ! L’équilibre de chacun est la responsabilité de tous.

par Sophie Bergot et Aurore Coeuru

 

(1) étude 2014 du cabinet d’évaluation et de prévention des risques professionnels Technologia.

(2) Enquête auprès de 225 agriculteurs volontaires, en majorité des éleveurs bovins et un quartde femmes, de l’observatoire Amarok.

(3) Chiffres Insee 2017 : 53,6 heures de travailhebdomadaire pour les agriculteurs, contre 46 h pour les artisans, commerçants et chefs d’entreprise.