L’agritourisme est à un tournant : l’hébergement classique en gîte rural et chambre d’hôte tend à céder du terrain à des logements « insolites » qui proposent de nouvelles expériences. Pour ce créneau alternatif, l’avenir est prometteur ! Luc Mazuel, spécialiste du tourisme et professeur à VetAgro Sup Clermont-Ferrand, est confiant : « Depuis dix ans, on observe un regain d’intérêt pour la campagne, qui jouit d’une image excellente : des produits de qualité et bons pour la santé, des gens sympathiques, des endroits où l’on prend son temps, où l’on peut faire du sport… Même si cette image est un peu idéalisée, il faut surfer sur cette cote d’amour ! » Sous-entendu, balayer les clichés des logements ruraux au confort modeste, à bas prix, sans activités annexes et synonymes d’ennui.

Il s’agit donc de répondre aux nouvelles attentes du touriste de la campagne. Celui-ci veut être dorloté, vivre une expérience inédite proche de la nature et qui a du sens. Les hébergements insolites sont une réponse à leur quête d’évasion.

Les cabanes, grandes favorites

« Le tourisme insolite est en pleine expansion, avec une croissance à deux chiffres chaque année depuis cinq ans », s’enthousiasme Nicolas Sartorius, gérant de la société Abracadaroom, qu’il a fondée en 2014. Ce site de réservation spécialisé dans les logements insolites propose 800 hébergements chez 215 loueurs (sur un total d’environ 1 000 professionnels). Il y en a pour tous les goûts : cabanes de trappeur, tipis, tentes suspendues, bulles, yourtes, roulottes… L’imagination n’a pas de limites.

La star de ces hébergements est sans conteste la cabane dans les arbres : huit personnes sur dix se disent attirées par cette expérience, d’après l’enquête de 2013 de Cabanes de France auprès de 1 014 personnes. Celle sur l’eau figure en deuxième position (43 % d’intéressés) et les bulles, yourtes et roulottes attirent respectivement 27, 23 et 22 % (voir ci-dessous). Pour Hervé de Mézerac, agriculteur près de Caen qui a installé six cabanes sur son exploitation, la demande est toujours forte (lire p. 45).

Courts séjours

Les premières cabanes sont apparues vers 2006 : rustiques, sans eau ni électricité, parfois dotées de toilettes sèches, elles attirent des amoureux de la nature en quête de sensations fortes ou de romantisme. L’intérêt pour ce type de logement ne se dément pas mais, d’après Nicolas Sartorius, la tendance semble aller vers les cabanes de luxe, équipées de jacuzzis extérieurs ou proposant des prestations annexes (massage, repas livré, etc.). Une belle cabane revient à environ 30 000 €, et beaucoup plus en fonction de ses options. Le jeune entrepreneur a aussi développé un site dédié, lacabaneenlair.com, qui propose quelque 350 cabanes à la location.

Qui sont les clients de ces hébergements insolites ? Luc Mazuel en a identifié deux types. D’abord les 30-40 ans en rupture avec la ville, ou des jeunes parents qui cherchent des lieux de santé et d’éveil pour les enfants. Puis viennent les jeunes retraités qui veulent rester dynamiques, sportifs, et qui apprécient la gastronomie. La moitié de la clientèle est locale, habitant à moins de 200 km, et vient le temps d’un week-end. Les vacanciers, majoritairement de catégories socio-professionnelles moyennes à supérieures, privilégient les courts séjours de une à deux nuits. Il faut dire que ces locations ont un coût en général élevé, de 50 à 80 € par nuit, et autour de 130 € pour une nuit dans une cabane en l’air. Selon les statistiques d’Abracadaroom, les séjours durent 1,3 nuit, avec un panier moyen de 230 € pour les cabanes et 190 € en moyenne pour les autres logements.

La présence des étrangers est encore très faible sur ce créneau. Toutefois, Luc Mazuel parie que leur nombre va exploser dans les prochaines années : « En Auvergne, les étrangers ne représentent que 5 % des touristes ruraux. Ils forment un énorme potentiel si on arrive à leur donner envie avec une bonne communication. »

Se différencier par les services annexes

Dans le choix de l’hébergement, les clients sont très attentifs à l’environnement et aux services annexes. Si 30 % des vacanciers ne veulent « rien faire », 70 % recherchent des activités organisées : achat de produits fermiers, découverte de la ferme, initiation à la transformation, participation à des randonnées ou des bivouacs, proximité des activités sportives, etc. Autant l’intérêt pour les visites du patrimoine bâti dégringole, selon Luc Mazuel, autant les jeux en pleine nature sur le mode des « escape games » urbains, les énigmes ou encore les spectacles sont très appréciés.