L’année 2017 aura vu se déchaîner les associations abolitionnistes les plus sectaires. Autoproclamées défenseuses de la cause animale, luttant contre leur exploitation et leur mise à mort, elles ont multiplié les vidéos de scènes gore en élevages ou abattoirs, montrant des moutons fracassés sur les murs ou des poulets de chair agonisants. Des images révoltantes scandalisent, à juste titre, l’opinion. Fin 2016, deux militants de l’association L214 filment clandestinement dans l’abattoir d’Houdan (Yvelines). Ils en tirent des séquences écœurantes de porcs étourdis au dioxyde de carbone avant d’être saignés. Les scènes sont soigneusement sélectionnées pour choquer. Les réseaux sociaux et la télévision s’en emparent, le grand public est indigné. Les abolitionnistes, bien décidés à faire disparaître l’élevage, misent tout sur l’émotionnel, sachant que les indécis se rallieront naturellement au camp des « gentils » et des « compatissants ». Les consommateurs de viande sont culpabilisés.

Les éleveurs assistent éberlués au déferlement médiatique : bien qu’ils ne se retrouvent pas dans les pratiques maltraitantes, ils sont montrés du doigt. Ou plutôt mis au pilori. Déjà fragilisés économiquement, ils subissent maintenant l’opprobre générale.

Passée la stupéfaction, la profession entend mettre fin à des dérives non représentatives de leur pratique. Puis tente de communiquer, à son tour, sur ses pratiques respectueuses du bien-être animal cette fois, pour ne pas laisser le micro aux seuls activistes. Mais leur discours, défensif, porte moins. Après qu’une poignée de provocateurs ait jeté des poches de faux sang sur le stand d’Interbev, l’interprofession du bétail et de la viande, lors du Salon de l’agriculture, les syndicats agricoles co-signent une tribune « Front commun pour le respect des éleveuses et des éleveurs ».

Dialogue impossible

L’abattoir d’Houdan, qui avait porté plainte contre les deux activistes de L214, cristallise les tensions entre les deux camps. Le 2 mars, 300 agriculteurs, élus et commerçants, « inquiets de la mise en péril de toute une filière », font face à la cinquantaine d’abolitionnistes rassemblés devant l’abattoir. Après bien des rebondissements, le 9 octobre, la sentence tombe : les deux activistes écopent d’une amende de 6 000 € dont 5 000 € avec sursis (contre plus du double requis par le procureur).

Quelques jours avant, le 26 septembre, l’association 269 Life Libération animale, organisait la deuxième édition des « Nuits debout devant les abattoirs ». Des « veillées mortuaires » pour rendre « hommage aux [animaux] victimes du massacre de masse » ont eu lieu dans une quinzaine de départements, rassemblant seulement 10 à 50 personnes. Face à eux, autant d’éleveurs de tous bords syndicaux ont contre-manifesté. Sans violence mais dans la plus totale incompréhension, tout dialogue étant impossible…

Le « véganisme », qui exclut tout produit d’origine animale dans l’alimentation ou l’habillement, est devenu la nouvelle mode. Ses 200 000 adeptes (moins de 0,4 % des Français, selon l’Observatoire des éthiques alimentaires) envahissent les médias (et la jet-set !). Leur poids numérique est équivalent à une seule ligne dans cet article, si la représentativité était respectée ! Sans pour autant tomber dans l’extrémisme végan, les consommateurs se montrent attentifs aux pratiques d’élevage, ce que la profession devra prendre en compte. Ils seraient un tiers à être « flexitariens », c’est à dire qu’ils limitent leur consommation de viande, pour des arguments santé ou des considérations environnementales. Les messages catastrophistes des climatologues, enjoignant de limiter l’élevage pour « la survie de la planète », y sont sûrement pour quelque chose.

Dans ce contexte de mise à l’index des viandes, s’ouvrent de nouveaux créneaux commerciaux. La viande artificielle fait sensation : le steak in vitro n’est plus de la science-fiction et multinationales et ONG investissent dans la recherche. Le premier steak, surnommé Frankenburger, avait coûté 250 000 $ en 2013, mais on peut parier que sa version améliorée se retrouvera sur les cartes des restaurants dans les prochaines années. Pour patienter, les végétariens disposent de nombreux produits « imitation viande », à base de céréales et de protéagineux. Un débouché dans lequel s’est déjà engouffrée la filière végétale.

Lire l’enquête exclusive dans la FA n° 3701 du 23 juin 2017 : « Associations de défense animale, comment elles mettent l’élevage sous pression », ou sur lafranceagricole.fr.