«En traçant une feuille de route pour l’avenir, je suis convaincu que nous pourrons bénéficier encore davantage de cette politique. Mais pour cela, nous devons l’affiner, la redynamiser et, bien entendu, la financer comme il se doit. » Tel était le discours de Phil Hogan, début 2017, annonçant l’ouverture de la grande consultation publique sur l’avenir de la Pac. Ses conclusions ont été diffusées en juillet, et les grandes orientations de la future Pac présentées en novembre, dans une communication. Pour l’instant, le calendrier est tenu !

Plus de 322 000 réponses

La consultation intitulée « Moderniser et simplifier la Pac » a visiblement inspiré les citoyens européens. Elle a rassemblé plus de 322 000 participations, dont seulement 7 % d’agriculteurs. L’agriculture devient de plus en plus l’affaire de tous. Ses conclusions ont mis en avant trois principaux défis pour la Pac 2020 : le niveau de vie des agriculteurs, les pressions sur les ressources naturelles et le climat, ainsi que le besoin de croissance et d’emplois. L’environnement apparaît comme une préoccupation majeure pour les citoyens de l’UE, déçus de l’actuelle Pac en la matière. En effet, moins de 10 % des non-agriculteurs estiment qu’elle relève les défis de la biodiversité, de l’usage raisonné des pesticides, de la diversité génétique et de la protection des sols. Autant de sujets aujourd’hui majeurs dans l’actualité. En revanche, 70 % des sondés estiment que les agriculteurs devraient bénéficier de plus de flexibilité pour appliquer les mesures environnementales. Ils affirment également qu’une simplification dans la gestion administrative et les contrôles est nécessaire. Des points qui rejoignent les préoccupations de la profession. Difficile, toutefois, de savoir dans quelle mesure ces contributions ont inspiré les propositions de la Commission pour la future réforme.

Renationalisation ?

Il a fallu attendre le 29 novembre dernier pour connaître, comme promis, les grandes orientations de la Pac après 2020. Dans une communication appelée « L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture », Phil Hogan a lancé les débats, souhaitant avancer en dialoguant avec toutes les parties prenantes. En toile de fond : l’objectif de rendre la Pac plus légitime et moins coûteuse. Il propose une nouvelle mise en œuvre à travers une plus forte implication des États membres. La Commission définira les grands objectifs communs. Au sein de ce cadre, chaque État définira son plan stratégique adapté à sa situation particulière et sera ensuite responsable de l’atteinte de ses objectifs.

Même si Phil Hogan affirme que « ce n’est pas une renationalisation de la Pac », plusieurs États, dont la France, craignent de plus en plus de distorsion de concurrence et, donc, une Europe à plusieurs vitesses (lire p. 27). Dans les faits, le premier et le deuxième pilier seraient maintenus, mais la Commission souhaite une répartition plus équitable et efficace des subventions. Elle évoque plusieurs mécanismes : le plafonnement, la dégressivité, la redistribution des aides et/ou le ciblage des agriculteurs « vraiment » actifs.

D’autres priorités ont également été définies : une meilleure gestion des aléas, notamment par la création d’une plate-forme européenne sur la gestion des risques, le renouvellement des générations, l’aide aux investissements dans les nouvelles technologies et le numérique ainsi que la revitalisation des zones rurales a travers l’aide à l’emploi et à l’investissement dans la bioéconomie et les bioénergies, par exemple. Ce dernier enjeu pourrait être, comme le souhaite le commissaire, un objectif transversal qui ne serait pas uniquement porté par le budget agricole mais aussi par d’autres politiques européennes. Pour le détail, il faudra attendre. La communication de Phil Hogan reste délibérément vague tant que le cadre budgétaire n’est pas défini par les États (lire encadré ci-dessous). Il doit être voté en mai 2018 et Bruxelles souhaite éviter toute levée de bouclier anticipée.

Contre la montre

D’ici cette date, la Commission a ordonné la réalisation d’études d’impact à partir de scénarios impliquant une baisse des aides de 10 % ou plus. De quoi alimenter les réflexions. Bruxelles émettra ses propositions législatives, après la validation du budget, d’ici l’été 2018. L’année 2019 sera marquée par les élections du Parlement européen en avril. Ce qui implique une course contre la montre pour formaliser la future Pac avant d’entrer dans la période politique de renouvellement du Parlement. Faute de quoi, la réforme sera repoussée.