« pour une arboriculture mieux intégrée à son environnement ». Celle-ci a été signée le 20 mars 2017, et résume en dix pages les actions que chacun – agriculteurs, riverains, coopératives, maire – s’engage à mettre en œuvre (voir l’infographie page 50).
La charte, disponible en ligne, engage les pomiculteurs à raisonner les périodes d’interventions, en prenant en compte les observations faites sur les parcelles, les préconisations des BSV, la vitesse du vent, les conditions météo. Jusque-là, rien de bien sorcier : il s’agit du respect de la réglementation et des recommandations techniques. S’ajoute à cela le fait « de ne pas traiter, sauf cas de force majeure, le dimanche et les jours fériés », de « s’organiser dans son activité pour éviter autant que possible les traitements proches des habitations les samedis », et de mettre en place un dispositif antidérive si le verger est situé à moins de 50 mètres d’une habitation. Le moyen préconisé, en plus du choix d’un matériel de pulvérisation adéquat, est l’installation d’une haie double-rang, agrémentée, à la demande du riverain, d’un filet antidérive haut de 3 à 4 mètres, qui protégera la propriété du riverain le temps que la haie pousse (voir photo ci-dessous). Pour anticiper les conflits, la SDPL a engagé un stagiaire chargé d’établir la cartographie des zones à enjeu prioritaire.
Lors des concertations entre agriculteurs et riverains, la nécessité de communiquer sur les produits utilisés a aussi été évoquée. Les pomiculteurs ont ainsi transmis une liste à une association de médecins (Alerte des médecins sur les pesticides, basée à Limoges), afin qu’ils en étudient la toxicité. « Le fait qu’on soit transparents a été un gage de confiance », assure Laurent Rougerie.
Pas beaucoup plus que l’arrêté phyto
« Les agriculteurs craignaient cette charte. Ils avaient peur qu’elle ne devienne un socle réglementaire pour d’autres contextes de production, mais ce n’est pas le cas, indique-t-il. Pour nous, ce ne sont que des choses de bon sens qui permettent d’aider à respecter la réglementation, notamment par rapport à la dérive. Il y a peu de points qui vont plus loin. » Le producteur de pommes AOP s’oppose à ceux qui plaident contre tout ajout de contraintes relatives aux traitements des cultures. « La société a besoin d’être rassurée, et s’adapter aux demandes de nos concitoyens est un des nouveaux enjeux de notre métier, estime-t-il, motivé. C’est à nous de défendre l’image de l’agriculture. »
Plus facile quand on a des décennies de travail devant soi qu’à quelques années de la retraite ! L’aspect générationnel compte, comme le fait d’avoir un interlocuteur avec qui le courant passe. Fabrice et Laurent, qui ont cherché ensemble des compromis, ne le cachent pas. « Nous avons rapidement compris qu’on arriverait à travailler ensemble, et faire accepter à nos pairs que nous nous entendions n’a pas été facile, s’étonne Laurent Rougerie. Convaincre les représentants des organisations agricoles non plus. »
Nouveau point de départ
Six mois après la signature de la charte, « 73 % de nos adhérents l’ont adoptée, et l’objectif de l’automne est d’implanter 20 km de haies », indique Agnès Donzeau, directrice du SDPL à Pompadour. Et Laurent Rougerie d’ajouter que la charte a aussi été signée par des pomiculteurs non adhérents au SDPL. Il a déjà le sentiment qu’il y a un changement de mentalité dans la filière, favorisé par la charte. « Le fait que certains s’engagent fait réfléchir les autres », assure-t-il. La charte n’est cependant pas pleinement satisfaisante : les pomiculteurs trouvent que l’implantation des haies est contraignante compte tenu de la place qu’elles prennent et du temps dédié à leur entretien, et certains riverains ne souhaiteraient avoir aucun pulvérisateur dans leur champ de vision. Elle est tout de même un nouveau point de départ.
Décriée en 2015, la filière Pomme du Limousin est maintenant citée comme exemple à l’échelle nationale. L’Association nationale pomme poire (ANPP) promeut la charte comme recommandation. Laurent Rougerie et Fabrice Micouraud sont invités à témoigner lors de colloques ou débats dans des communes confrontées à des problématiques similaires ou les anticipant. Des filières curieuses prennent des renseignements, tout comme des politiques. Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine d’abord, puis le secrétaire d’État à la Transition écologique, Sébastien Lecornu, en juillet dernier.
(1) Envoyé spécial, « Peut-on encore manger des pommes ? », France 2, 5 mars 2015.