Cédric Rafini est à l’image du renouveau de l’agriculture corse depuis une vingtaine d’années : les jeunes reviennent, un pied dans la modernité, un autre dans la tradition. Les installations ont bondi de 20 à 40, souvent dans le cadre familial, plutôt en élevage, sur des exploitations de taille moyenne. Ces jeunes ont, comme Cédric, passé la trentaine. « Après dix ans comme cantonnier, je me suis installé à Sari-d’Orcino en 2014. Je succède à mon grand-père, qui faisait du maraîchage et élevait des cochons corses. Et à mon père qui, en 1970, a repris les terres en indivision depuis des générations, puis défriché des vignes à l’abandon. »
À cette époque de fort exode, le maquis gagne du terrain mais le père de Cédric persiste. Quand il passe la main à son fils, il trait à la main 170 brebis corses. « À 65 ans, il n’avait plus le droit à l’ICHN (environ 12 000 €). J’ai passé le BPREA et repris l’histoire de la famille. » Éligible au programme de développement rural de la Corse et aux aides « jeunes agriculteurs », il prévoit un plan d’investissement de 180 000 €. Il installe une machine à traire d’occasion et revoit, avec sa compagne conseillère agricole (1), l’alimentation des brebis. Celles-ci multiplient leur lactation par deux et leur nombre passe de 170 à 140. « Ma mère travaillait en saison à l’extérieur. Avec mon père, ma compagne et moi, elle fabrique toujours les fromages brocciu et bastelicaccia. »
Un fromage unique
L’île défend son agriculture à travers les démarches de qualité : le Brocciu a déjà son AOP, tout comme le miel, la farine de châtaigne, l’huile d’olive, plusieurs vins, sans compter des IGP… La Corse espère quatre nouvelles AOP sur ses fromages, dont le bastelicaccia. Cédric ne peine pas à le vendre autour de lui, à des clients réguliers, restaurateurs de talent et marchés. Son brocciu est réservé à l’avance.
Toutefois, Cédric, membre des jeunes agriculteurs de Corse, se heurte au problème brûlant du foncier. La commune, qui a créé une zone agricole protégée, lui a octroyé 100 ha de communaux où ses brebis transhument de juin à août. Il exploite 12 ha en indivision familiale et 20 ha morcelés, avec des baux verbaux que les propriétaires peuvent reprendre à l’envi. « Comme cantonnier, je gagnais 1 200 €. Je vise ce revenu avec le métier que j’ai toujours voulu faire. »
(1) Venue du continent, sa compagne va s’installer à proximité en vaches allaitantes.