De son propre aveu, il n’a pas les plus beaux maïs du coin. Pendant les chantiers, il est « toujours le dernier dans la plaine de Moirans », en raison de son matériel de faible largeur et de faible puissance. « Mais ça m’est bien égal », sourit Jean-Pierre Michalat, en Isère. Car c’est grâce à sa gestion ultra-économe qu’il arrive à vivre « très bien » sur une exploitation céréalière de 64 ha. Seul, donc sans famille à nourrir, mais sans la sécurité d’un salaire extérieur. Il tire l’essentiel de son revenu de 51 ha en rotation maïs-soja, vendu en filière longue conventionnelle.
Un choix de vie
« On a la chance d’avoir d’excellentes terres fertiles, avec un bon ensoleillement », souligne-t-il. Ce qui n’empêche pas les autres exploitations spécialisées du secteur d’avoir plutôt le double de sa surface. Et de s’agrandir encore lorsque c’est possible. Lui a récemment refusé 6 ha, trop loin de son exploitation. « Avec mon matériel vieillissant, la route est dangereuse. Seul sur la ferme, les pointes de travail deviendraient ingérables. À moins d’acquérir du matériel permettant d’aller plus vite mais qui consomme plus. »
Au-delà des moyens, c’est aussi un « choix de vie » revendiqué : celui de garder du temps pour s’intéresser à plein de choses en dehors de son métier. Il lâche : « Posséder un peu : oui, mais posséder beaucoup… bof ! » Adhérent d’une Cuma et fervent défenseur du fermage, l’usage lui importe plus que la propriété. Il évite le recours au crédit et aux subventions, « qui créent une dépendance aux effets pervers ». Ses seules aides sont des DPB de 150 à 250 €, sur une cinquantaine d’hectares seulement.
Au final, Jean-Pierre dégage un salaire d’environ 1 500 €/mois, grâce aux économies qu’il traque partout (lire l’encadré). Mais aussi grâce à des activités complémentaires. « Ma situation s’est nettement améliorée depuis cinq ans que je prends en pension des bêtes confiées par l’OABA (1), souligne l’agriculteur. Je les remets en état en valorisant mes 11 ha d’herbe. À raison de 1,5 €/jour pour les bovins et 0,5 € pour les petits ruminants, cela constitue10 à 20 % de mon revenu. » Un complément de salaire fluctuant et pas forcément pérenne, mais très appréciable. Pour être tout à fait transparent, Jean-Pierre ajoute qu’il perçoit 260 €/mois en tant que responsable syndical d’une association de propriétaires pour la gestion des fossés. « Je fais aussi des bottes de paille sur 80 ares de blé, que je vends à une jardinerie à 2 € la botte. Ça ne va pas chercher loin mais tout mis bout à bout… »
La retraite est dans plus de dix ans et certains lorgnent déjà sur les terres. Même s’il n’a pas identifié de repreneur, l’agriculteur ne veut pas voir sa ferme démantelée pour agrandir les voisins. « Je pourrais partager un bout de ma surface avec un projet à valeur ajoutée, par exemple du maraîchage. En tout cas, je préparerai ma succession en continuant à améliorer mon outil de travail. Si ce modèle marche pour moi, pourquoi ne conviendrait-il pas à un prochain agriculteur ? »
(1) Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir.