La puissance de frappe de la mer Noire est indéniable. Malgré certaines faiblesses politiques et économiques, ces pays ont de quoi faire trembler les exportateurs les plus confiants. « Ils sont un concurrent sérieux pour l’Union européenne », admet Olivier Bouillet, directeur d’Agritel en Ukraine. « Chaque année, la mer Noire grignote des parts de marchés à la France, avec des blés moins chers et plus riches en protéines », renchérit Didier Nédelec, directeur d’ODA. En plus d’une offre attractive, le comportement opportuniste des céréaliers de l’Est leur permet de gagner rapidement des parts de marchés et d’être plus efficaces.
Complémentaires
Le directeur d’ODA poursuit en rappelant que les blés français et ceux de la mer Noire sont différents. Le blé de la mer Noire est un blé continental, un blé à brioche, qui attire surtout les anciennes colonies anglaises telles que l’Egypte. Ils sont plus en concurrence avec les qualités américaine, australienne et des pays baltes. Le blé français est un blé maritime, à baguette, recherché par l’Algérie et le Maroc. L’expert va plus loin en avançant que « nous sommes complémentaires et surtout pas concurrents. Nous allons relever ensemble le défi démographique du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’ouest de l’Inde. »
Didier Nédélec estime que la Russie et l’Ukraine vont se tourner prochainement vers la production de première transformation et se détourneront quelque peu de l’exportation de matières premières agricoles. « Les problématiques logistiques internes qui découlent des longues distances à parcourir les pousseront vers la première transformation. » Mais la volonté politique d’être au premier rang mondial des exportateurs de céréales reste forte pour ces pays. Un dessein assumé par les gouvernements. « La Russie est redevenue un acteur majeur sur le marché mondial de l’alimentation, assurait Dimitri Medvedev, premier ministre russe. Produire régulièrement 130 Mt de blé par an est un objectif réalisable. »
« Le centre de gravité de l’exportation mondiale de céréales s’est déplacé vers l’est de l’Europe, rappelle Thierry Dupont, président de Sénalia. Les drivers sont les pays de la mer Noire. » Leur présence ne peut être niée. Les experts s’accordent sur l’importance d’entamer une relation de partenaires et de miser sur la « multi-origination ». Une année comme celle-ci, avec une récolte française catastrophique, montre les bienfaits d’une « multi-origination ». Elle permet aux opérateurs français de ne pas disparaître totalement des radars. « Nous ne devons pas avoir peur d’un partenariat basé sur la complémentarité de nos qualités de céréales, conclut Jean-François Loiseau, président d’Axéréal. Notre objectif est de satisfaire tous les clients. »