«Mes parents et mes grands-parents ont toujours fabriqué du fromage aux artisons (1) ou “artisous” en auvergnat. Nous sommes fiers de poursuivre cette production traditionnelle, explique Patrice Gauthier, installé avec son épouse Françoise sur la ferme familiale à Saint-Jean-de-Nay, en Haute-Loire.

Avant que leurs enfants, Émilie et Florent, les rejoignent en 2017, les éleveurs transformaient les 200 000 litres de lait produit par leur troupeau de montbéliardes en fromage aux artisous, vendu en direct sur les marchés, à la ferme et auprès de petits revendeurs. « Un rythme de travail soutenu 7 jours sur 7 et 365 jours par an, soulignent-ils. Nous n’avions pas le choix, car les contrats créés par Bongrain en 2009 excluaient la possibilité de livrer du lait et de produire des fromages fermiers. »

Les fromages sont affinés en cave durant une moyenne de six semaines. © Monique Roque Marmeys

Trois troupeaux

Les installations d’Émilie et de Florent ont suscité une évolution du système, pour générer des revenus supplémentaires. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice, à travers ses aspirations personnelles. Émilie, qui avait déjà sa chèvre à huit ans, prévoit un troupeau de 400 animaux avec la transformation d’une partie du lait produit.

Florent, passionné de génétique montbéliarde, comme son père, s’engage dans l’accroissement du troupeau laitier à 40 vaches. Pour loger ce troupeau, les quatre associés investissent 500 000 € dans une stabulation et une salle de traite. L’ancienne étable est réaménagée pour loger les 200 premières chèvres de races saanen et alpine. La famille Gauthier décide aussi d’introduire un troupeau de vaches allaitantes aubracs pour produire de la viande : « Avec nos trois troupeaux, nous avons choisi de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier et, par ailleurs, de diversifier notre offre en vente directe. »

Le fromage aux artisous espère une reconnaissance prochaine en AOC. © Monique Roque Marmeys

Le Gaec des Prairies transforme aujourd’hui 100 000 l de lait de vache sur 320 000 l produits. 220 000 l sont livrés à la Coopal (Creuse), pour une filière lait cru sans OGM destinée à Carrefour. Françoise et Émilie fabriquent du fromage aux artisons de manière traditionnelle : le lait du soir repose toute la nuit, avant d’être écrémé et ajouté à celui du matin (non écrémé) pour être emprésuré. Les fromages sont mis en moule l’après-midi. Leur affinage dure en moyenne six semaines.

Quant aux fromages de chèvre, des chèvretons de 60 g environ, ils sont fabriqués le soir. La production de lait de chèvre connaît elle aussi des déboires au niveau de la collecte du lait non transformé. Dès l’automne 2017, la laiterie Carrier (Ardèche) signale son impossibilité de collecter les quantités initialement prévues. En mars 2020, elle demande aux éleveurs de jeter la moitié du lait produit. C’est l’entreprise Gérentes (Haute-Loire) qui prendra le relais pendant deux mois pour cette collecte.

Projet initial revu

« L’incertitude qui pèse sur cette filière me pousse à réduire mon projet initial. Nous allons rester à 200 chèvres, avec une production moyenne de 600 l, précise Émilie. Les petits chèvretons que nous produisons rencontrent du succès. C’est une satisfaction. » Les fromages sont vendus sur les trois marchés hebdomadaires du Puy-en-Velay, de Langeac et de Costaros, dans les magasins Grand frais du Puy-en-Velay et de Clermont-Ferrand, ainsi qu’auprès de petits revendeurs. Les ventes à la ferme sont également régulières. La viande produite à partir des veaux mâles et femelles aubracs de dix-huit mois est commercialisée auprès de particuliers grâce au bouche à oreille et au réseau de connaissances familiales et amicales.

« Notre prochain objectif est l’aménagement d’un magasin de vente à la ferme, précisent les éleveurs. Nous croyons en notre métier et en nos produits. Notre force est aussi d’être à quatre pour affronter les difficultés du contexte actuel. Nous aurons perdu 30 000 euros en 2020 à cause de la Covid-19. Nous espérons des jours meilleurs pour 2021. »

Monique Roque-Marmeys

(1) Acariens qui se développent sur la croûte.