C’est en 1990 que les premières vaches limousines foulent les prairies de la famille Portal : Jean-Paul rejoint son père Robert et son oncle Jean sur l’exploitation familiale de 80 ha abritant des vaches laitières et des moutons, à Chaliers dans le Cantal. « J’ai repris 33 ha et acheté 15 vaches inscrites la première année, explique-t-il. Je me suis immédiatement pris de passion pour cette race et sa génétique. Les éleveurs de limousins m’ont très bien accueilli, aussi bien localement dans le syndicat du Cantal que dans les instances nationales de la race. » Son frère Claude s’installe en 1995 en remplaçant son père, en âge de prendre la retraite. Puis c’est au tour de son épouse Isabelle, en 1999, au départ de Jean. L’exploitation abrite 45 limousines, 15 prim’holsteins et 150 brebis de race blanche du Massif central (BMC).

Isabelle Portal, l’épouse de Jean-Paul, est la troisième associée du Gaec des Myosotis. Elle s’occupe du troupeau de brebis blanches du Massif central. © Monique Roque Marmeys

Vitesse de croisière atteinte

La question se pose alors de garder ou non ces trois productions qui génèrent un travail conséquent. « Le troupeau limousin démarrait bien, Claude aime produire du lait et le troupeau de BMC, sélectionné avec passion par mon père, valorise avantageusement les hectares de parcours, résume Jean-Paul Portal. Chacun a trouvé ses marques dans une production, même si nous sommes tous polyvalents. » La surface d’exploitation est agrandie en deux fois pour atteindre les 175 ha actuels. La production laitière est augmentée, passant des 70 000 l initiaux, avec 13 vaches, à 320 000 l produits par 45 prim’holsteins sélectionnées. En 2014, les éleveurs construisent une stabulation à logettes avec une salle de traite fonctionnelle pour un seul trayeur (9 postes avec traite par l’arrière). Le lait est livré à Sodiaal, il bénéficie de la plus-value AOP cantal et AOP bleu d’Auvergne. « Nous sommes aujourd’hui en vitesse de croisière et ne regrettons pas notre investissement de 300 000 euros dans le bâtiment. Les laitières valorisent les 35 ha entourant la stabulation. » Les brebis, logées l’hiver dans une étable traditionnelle réaménagée en 1971 par Robert Portal, pâturent les surfaces plus éloignées et non mécanisables. Elles passent aussi durant l’automne sur les repousses. Conduites en trois agnelages en deux ans, elles produisent des agneaux sous label rouge Pays d’Oc. Leur sélection efficace se traduit par une bonne prolificité et un excellent gain moyen quotidien (GMQ) des agneaux de bergerie, vendus à une moyenne d’âge de 100 jours.

Sélection limousine

En trente ans, le troupeau limousin a régulièrement participé à des concours nationaux et obtenu cinq sélections pour le Salon de l’agriculture à Paris avec trois taureaux (Papillion, Samsufi et Géant, qui a remporté le prix du championnat mâle en 2017). Des veaux ont été placés à la station de qualification de Lanaud, et l’un d’eux, Ozeus, a été retenu pour l’insémination… « Nous nous sentons intégrés, bien qu’éloignés du berceau de la race », souligne Jean-Paul Portal.

Les vaches vêlent à 80 % à l’automne. Les taureaux sont détenus en copro­priété avec cinq éleveurs lozériens. Tous sont prélevés et Jean-Paul insémine lui-même l’ensemble de son troupeau. Les femelles, hors renouvellement, sont vendues pour l’élevage à différents âges (de 1 an jusqu’à l’âge adulte et gestante). « Nous avons créé un groupement d’intérêt économique, le GIE Lauv’Lim, en juillet 2019, afin de dynamiser la promotion et la vente des animaux des éleveurs limousins auvergnats et lozériens, explique l’éleveur, qui préside la structure. Avec une identification spé­cifique à notre zone de montagne et de semi-montagne, nos animaux présentent une rusticité et une valeur génétique dont nous pouvons être fiers. » Le GIE emploie un animateur-technicien et utilise un site internet et une page Facebook. En un an, il a déjà vendu des reproducteurs en France, mais aussi en Espagne, en Bel­gique et en Croatie.

« C’est la passion qui nous porte, davantage que nos revenus ! Nous sommes en adaptation permanente face aux crises économiques, au changement climatique et maintenant à l’épidémie de Covid-19… Mais nous travaillons aussi pour les générations qui suivent », précisent les éleveurs. Les trois fils de Jean-Paul et Isabelle, Romain, 24 ans, Lilian, 22 ans (salariés en groupement d’employeurs), et Tanguy, 18 ans (en terminale), ont tous choisi la voie agricole. L’installation de Romain est prévue pour 2021 sur une exploitation voisine avec un troupeau limousin.

Monique Roque-Marmeys