Qu’est-ce qu’une ferme durable ? Rémunératrice, résiliente, transmissible, respectueuse de l’environnement… La durabilité revêt divers aspects. Schématiquement, elle repose sur trois piliers : social, environnemental et économique. Avec l’aide de techniciens et de chercheurs de l’Inra, des agriculteurs et des éleveurs de l’ex-Réseau agriculture durable (Rad), devenu Civam (1), ont développé, dans les années 2000, un outil de diagnostic, remis à jour régulièrement. Il propose trois jeux de sept indicateurs pour chacun des piliers.
« Cela invite agriculteurs et éleveurs à regarder leurs chiffres différemment, en prenant du recul par rapport à une approche comptable, explique Alexis Meyer, du réseau Civam. On replace les chiffres dans le contexte de leur ferme. »
Efficacité
Gagner plus sans produire plus
Une ferme durable ne cherche pas à produire plus de volume, mais à créer davantage de richesse. Comment ? En réduisant les charges intermédiaires, ce qui, mécaniquement, augmente la valeur ajoutée. Car celle-ci est la différence entre le produit des activités (lait, viande, cultures…) et les charges intermédiaires (intrants et services consommés pour ces productions).
Le rapport entre cette valeur ajoutée et le produit des activités donne l’efficacité économique. Chez Olivier et Estelle Marotte (lire ci-contre), elle est de 53 %. Une très bonne performance, selon une étude du Civam, qui évalue à 34 % l’efficacité économique moyenne des exploitations laitières de l’Ouest d’après le Rica (2). Cela signifie que pour 100 € de produit, Estelle et Olivier gardent 20 € de plus que la moyenne.
« Les fermes durables cherchent à remplacer l’achat d’intrants par des procédés biologiques, qui fournissent des services agronomiques gratuitement, explique Alexis Meyer. Ainsi, on réduit les charges, donc on crée davantage de richesse sans augmenter le produit. »
Autonomie
Pour une meilleure résilience
Limiter les achats extérieurs, c’est aussi améliorer son autonomie économique (rapport entre la marge brute globale et le produit d’activité). C’est être moins vulnérable quand le prix des intrants augmente… De son côté, l’autonomie financière se mesure par le rapport entre les annuités et l’EBE. Moins il est élevé, moins l’exploitation est endettée, et plus elle dispose de marges de manœuvre pour développer une activité ou changer de cap, par exemple.
Rémunération
Payer les travailleurs d’abord
Quelle part de la richesse créée sert à rémunérer le travail de l’exploitant et des salariés ? Le réseau Civam propose de calculer le « résultat social ». Il correspond au résultat courant, auquel on ajoute les charges liées au travail (salaires versés, cotisations sociales, MSA et rémunération des comptes courants associés pour les sociétés). En le rapportant au capital investi, on mesure l’efficacité de ce dernier. « Le but est de rémunérer les personnes qui travaillent à la ferme, plutôt que les banques et le capital, explique Alexis Meyer. Or, plus le capital investi dans le foncier et l’outil de production est important, plus il capte de richesse, au détriment des travailleurs. Toutefois, attention aux biais : des fermes semblent avoir une très bonne efficacité du capital, mais uniquement parce que l’outil, non entretenu, est délabré… »Bérengère Lafeuille
(1) Le Rad a fusionné avec les Civam dans le réseau Civam.
(2) Réseau d’information comptable agricole.