Choisir une culturede remplacement
Un contexte de prix bas
Depuis l’arrêt des quotas européens au printemps 2017, le marché des betteraves sucrières n’est plus protégé par un prix minimum garanti. L’effondrement actuel des cours du sucre assure ainsi des niveaux de rémunération très bas, de l’ordre de 18 à 20 €/t pour la récolte de 2018, et les perspectives pour 2019 ne sont pas meilleures.
Dans ce contexte, le groupe Südzucker et la coopérative Cristal Union ont chacun annoncé la fermeture en France de deux sites dès 2020. Certains planteurs ont parfois déjà réduit la voilure ou envisagent d’arrêter la production.
Pas de solution providentielle
Pour éviter l’impasse tant commerciale qu’agronomique liée à une hausse de surfaces des autres cultures industrielles (lin-fibre, légumes…), la substitution de la sole en betterave devra se faire par des cultures « génériques », de type blé, orge, pois ou féverole, voire colza, qui sont souvent peu porteuses de valeur ajoutée. En dehors de quelques cas particuliers, il n’y a pas de culture providentielle disponible, mais de nouvelles filières sont peut-être à inventer.
« Un raccourcissement de la rotation en retombant sur des successions classiques de blé, orge et colza aura des effets négatifs sur les résultats agronomiques et donc, par ricochet, sur les résultats d’exploitation au moins à moyen terme », avance également Karine Marie, responsable du conseil aux agriculteurs pour le CerFrance Normandie Ouest. Cet effet indirect est encore difficilement mesurable et n’apparaît pas dans la simulation ci-contre. Par ailleurs, les conséquences liées à l’achat de matériel spécifique non encore amorti sont très variables d’une exploitation à l’autre.
Les Impacts financiers
Un marché déprimé
La marge brute moyenne de la betterave sucrière, après travaux réalisés par tiers dans le Calvados de 2013 à 2017, est de 1 288 €/ha, contre 700 € en blé, 768 € en colza, 525 € en pois et 460 € en féverole. Le marché du sucre est actuellement déprimé sans réelle garantie de reprise des cours. Les aspects réglementaires et phytosanitaires, notamment, ont tendance à augmenter les charges. « Avec des niveaux de rémunération entre 15 et 17 €/t de betterave à 16 % de taux de richesse en sucre, l’intérêt économique de cette production devient très limité », constate l’experte.
Un prix seuil à 21 €/t de betterave
« Compte tenu des contraintes liées à cette culture, notamment au regard des dates de récolte parfois très tardives, et en comparaison avec la marge brute du blé, la culture n’est plus tellement intéressante financièrement en dessous d’une marge brute de 800 €/ha. Cela correspond à un prix seuil de 21 €/t de la betterave », estime Karine Marie.
L’intérêt des producteurs pour la betterave est totalement remis entre les mains d’un marché libéralisé et de la consistance des contrats défendus pour apporter plus de visibilité sur la rémunération. Les marchés à terme pourraient être une solution de gestion des prix, mais malgré la pression des planteurs auprès des sucreries, une occasion a été manquée pour construire des contrats à prix fixe arbitrés sur les cours de 2017.
Une perte d’EBE de 20 à 40 €/ha
Selon les chiffres du CerFrance Normandie Ouest, pour un atelier de grandes cultures de 136 ha représentatif des planteurs (échantillon de 285 entreprises sur 1 000 au total) livrant à la sucrerie de Cagny, la reconversion des surfaces de betterave se traduit par un EBE diminué de 7 000 €, après MSA et avant rémunération des chefs d’exploitation. Globalement, l’EBE est amené à baisser de 20 à 40 €/ha, en fonction de la proportion de betterave dans l’assolement des exploitations de l’échantillon.
Alexis Dufumier