En novembre 2022, le marché du bio s’établissait à 4,9 milliards d’euros, soit un recul de 3,6 % par rapport à 2021. "Il y a un problème de pouvoir d’achat alimentaire global pour une partie de la société, constate Loïc Guines, référent en bio pour les Chambres d’agriculture et président de l’Agence bio. La consommation s’est arrêtée sur tous les produits alimentaires."
Un contexte peu favorable
Face à la diminution de la demande, certains opérateurs ont fait le choix du déclassement d'une partie des produits biologiques. "Entre 20 et 30 % du lait bio serait déclassé", estime Benoit Drouin, éleveur de volailles de chair et de vaches laitières dans la Sarthe. "En porc, l'équilibre de matières est plus dur à trouver", selon Loïc Guines. L’offre est également devenue supérieure à la demande de blé bio. "On est sur des solutions de désengorgement vers des pays tiers avec des prix qui ne sont pas rémunérateurs pour les céréaliers", explique Christophe Caroux, président de Bio Hauts-de-France.
Comme en conventionnel, les producteurs bio ont dû faire face à l’accroissement du coût des matières premières. "Pour l'alimentation, l’augmentation du coût des protéagineux a entraîné la hausse de 20 à 25 % du prix de nos volailles et la désaffection du consommateur", souligne Benoit Drouin. Mais les producteurs bio ont aussi dû s’adapter à un nouveau cahier des charges, qui impose notamment une alimentation 100 % biologique des animaux. "Depuis un an, cela a fait flamber le coût de l’aliment à + 200 €/t, témoigne Christophe Caroux. Or, ce coût représente près de 45 % du prix de l’œuf ." Autre contrainte imposée par le nouveau cahier des charges : l’obligation de spécialiser les éleveurs de poulettes en bio. "Le coût des poulettes va augmenter de 30 à 40 %, alerte Benoit Drouin. Qui va pouvoir payer ces poulettes et ces œufs ?"
Éviter la déconversion
Selon l’Agence bio, le solde des entrées et sorties vers le bio resterait positif, malgré un recul important du nombre de nouvelles certifications. "On table sur 5 000 nouvelles entrées et 3 500 sorties, indique Laure Verdeau, sa directrice. Cela fait plusieurs années que nous étions autour de 4 % des effectifs qui sortaient chaque année, dont la moitié pour cause de départ à la retraite. En 2022, nous serions plutôt autour des 6 %." Seule la filière porcine verrait plus de départs que de nouvelles entrées dans le bio.
"Depuis six mois, on observe plus d’interrogations d’agriculteurs qui souhaitent faire le point quant à une sortie du bio", relate toutefois Anne Glandières, chargée de mission pour l'agriculture biologique à la chambre d’agriculture de l’Occitanie. Des déconversions qui inquiètent le ministre de l’Agriculture, bien décidé à maintenir son objectif de convertir 18 % de la SAU française d’ici à 2027. " Ce n’est pas parce que la bio est chahutée, qu’il ne faut pas continuer le chemin que nous avons tracé, déclarait-il lors des Assises de l’agriculture et de l’alimentation biologiques le 6 décembre dernier. Mon obsession est d’éviter la déconversion. C’est l’assurance que ce soient des gens que l'on ne revoit pas."
"La bio, c’est aussi de la technique, de l’agronomie, qui tire tout l’élevage et toute l’agriculture, rappelle Loïc Guines. Si on déconvertit on fait marche arrière sur ces sujets-là."
Enjeu démographique
"Dans quelques années, on aura besoin de producteurs, poursuit-il. On a une jeunesse qui a d’autres attentes. En Bretagne, 40 % des installations sont en bio." La bio serait même, selon Marc Fesneau, "un puissant levier pour qu’un grand nombre de jeunes puissent s’intéresser à l’agriculture". Un élément clef à l'heure où se discute la future loi d'orientation et d'avenir agricole.
"La moitié d'entre nous a plus de 55 ans, souligne Bernard Roby, président d’Interbio Nouvelle-Aquitaine. Il faut qu’on soit là pour maintenir un tissu économique et des filières qui fonctionnent. On a besoin des pouvoirs publics pour continuer à être porteurs pour les jeunes qui veulent s’installer en bio. Mais pour qu’on puisse les accueillir, nous avons grand besoin d’être soutenus par l'État."