Le datura est de plus en plus présent dans les parcelles de grandes cultures (maïs, tournesol, soja essentiellement). On le trouve sur l’ensemble du territoire mais surtout dans le Sud-Ouest, en Poitou-Charentes, Centre-Val de Loire, en vallée du Rhône et dans le Nord à la faveur de rotations avec la pomme de terre favorable au développement de la mauvaise herbe. Sensible au gel, on n’en voit peu dans les rotations à dominante de cultures d’hiver.

Un risque réel pour les consommateurs

Cette adventice, de la famille des Solanacées, a une particularité : elle contient deux alcaloïdes très toxiques pouvant se retrouver dans l’alimentation humaine et animale (lire l’encadré ci-contre). Selon le dernier avis de l’Efsa (Autorité euro­péenne de sécurité des aliments) sur le sujet, le risque est réel pour les consommateurs. Une réglementation est déjà en vigueur pour les animaux mais pas pour les hommes (sauf le baby food).

Ainsi, un projet de texte européen prévoit d’élargir la réglementation existante pour le baby food à toute la chaîne alimentaire (de la matière première au produit fini) mais aussi à certaines cultures. Cela s’appliquerait dès la récolte 2022, en sortie de silo pour la première transformation et conditionnerait l’accès au marché.

Un observatoire, conduit à l’automne 2020 par Arvalis- Institut du végétal, fait ressortir de fortes disparités annuelles et régionales en entrée de silo. « Il y aura, par conséquent, un travail de nettoyage des lots à réaliser par les organismes stockeurs­ pour rendre conformes les matières premières mises sur le marché », souligne Arvalis.

Les teneurs maximales sont fixées dans le projet à 15 μg/kg pour la somme atropine et scopolamine sur maïs grain, 10 μg/kg pour le sarrasin, 5 μg/kg pour le maïs pop-corn, le millet et le sorgho.

Pour suivre les nouveaux seuils envisagés, cela revient à rechercher, par rapport à la teneur en alcaloïdes d’une graine de datura (lire l’encadré ci-dessous), une graine d’adventice dans 2 kg de maïs grain, dans 3 kg de sarrasin et dans 6 kg de maïs pop-corn, millet et sorgho. D’où l’importance de correctement gérer le datura dans les cultures. Les leviers sont multiples, avec, en premier lieu, la surveillance des parcelles, le datura profitant des moindres espaces avec de la lumière pour se développer (passage d’enrouleur, bordures, trou après dégâts de gibier…).

Levées échelonnées

Attention, « l’adventice est capable de lever de manière très échelonnée, et ce n’est pas parce qu’on a géré les premières levées dans la culture qu’on n’aura pas de levées qui viendront ultérieurement, alerte Clémence Aliaga, ingénieur régional Arvalis (sud Aquitaine). C’est aussi une plante capable de repiquer très facilement, que ce soit après un passage de bineuse ou un arrachage manuel : il est, de ce fait, important lors d’arrachage manuel de sortir les plantes de la parcelle. »

Autre caractéristique du datura : sa forte production en graines. Elles sont capables de germer à des profondeurs importantes, de sorte qu’un enfouissement avec le labour ne permet pas complètement de supprimer les germinations.

Déstockage grainier

« Le meilleur moyen de déstocker les graines de datura présentes dans le sol, c’est d’introduire une culture d’hiver, si elle est pertinente économiquement », détaille Clémence Aliaga. Cela offre la possibilité d’effectuer des faux semis pendant la période estivale, celle propice à la germination de datura. L’idée est de travailler le sol superficiellement pour faire germer les daturas et, ensuite, détruire les levées. » Mais cela est très dépendant des conditions climatiques. Si le sol est trop sec, le passage d’un outil pour simuler les germinations est délicat. S’il ne pleut pas après ce passage d’outil, les germinations de datura ne seront pas enclenchées.

Si on n’a pas pu réaliser de travail du sol superficiel, il sera nécessaire de surveiller les levées de daturas, y compris ceux de petite taille qui peuvent aussi arriver à graine. « Il faudra les détruire pour éviter d’enrichir le stock grainier. Soit en procédant mécaniquement avec un broyeur, soit manuellement, avec des gants, s’il y a peu d’infestations », détaille Sylvie Nicolier, ingénieur régional Arvalis (Ouest-Occitanie). Il est aussi possible d’utiliser des pendillards en rattrapage, en faisant attention aux délais avant récolte des produits.

Isabelle Escoffier