Lorsque Jean Jouzel, expert au Giec, a pris le micro lors du comice des innovations de l’Institut de l’élevage (Idele), il a reconnu que le public de professionnels qui lui faisait face était conscient des conséquences du réchauffement climatique. L’adaptation à la sécheresse et aux fortes chaleurs fait partie du quotidien des éleveurs et de leurs conseillers.
Pour Jean Jouzel, les hausses des températures que nous subissons ces dernières années, ne sont pas une surprise. « Elles sont telles que nous l’avions prévu, il y a 30 ans », assure-t-il. En cinquante ans, la température a augmenté de 1,5 °C en moyenne en France. Cette observation s’est accompagnée d’une intensification des événements extrêmes (inondations, sécheresses…). Le réchauffement climatique accroît la perte de biodiversité.
Pour l’avenir, différents scénarios se dessinent en fonction du ralentissement ou non des émissions de gaz à effet de serre (Ges). « Le réchauffement reste inéluctable, mais si on le limite on peut s’adapter », estime le chercheur. « Le problème, c’est que l’on s’y prend un peu tard. » Pour le scientifique, chaque décision pour limiter les émissions va compter, car même un ralentissement de 0,5 °C de la hausse des températures sera important.
Diminuer les émissions de gaz à effet de serre
Actuellement, les émissions mondiales de Ges s’élèvent à 54 milliards de tonnes d’équivalent CO2. « Si nous ne changeons rien, elles s’établiront entre 65 et 70 milliards de tonnes, dans 10 ans, en 2030. Si nous respectons les engagements des accords de Paris, ils resteront d’environ 55 milliards. » Pour enrayer l’augmentation de la température, il faudrait passer à des émissions aux alentours de 40 milliards de tonnes, mais cela implique d’adopter une politique très ambitieuse.
Avec le niveau de réchauffement actuel (+1,5 °C), un Européen sur vingt est confronté chaque année à un événement exceptionnel du type vague de chaleur, inondation. « Dans un monde à +3 °C, ce seront deux Européens sur trois qui devront faire face à ces situations extrêmes, alerte Jean Jouzel. À partir de 2050, l’été 2003 pourrait devenir la norme. Il était 3 °C plus chaud en moyenne qu’un été de référence du XXe siècle. Dans la seconde partie du XXIe siècle, on pourrait avoir des étés 6 à 8 °C plus chauds qu’un été de référence du XXe siècle. »
Pire que les moyennes de températures, ce sont les records de chaleur eux-mêmes. « Ils augmentent deux fois plus vite que les températures moyennes », a précisé le climatologue. Cet été, nous avons connu ponctuellement des pics à 45 °C, nous pouvons nous préparer à faire face à 50 °C.
Le débit des rivières sera impacté
Les animaux souffrent eux aussi de cette situation. Jean Jouzel a précisé également que si certaines régions, comme sa Bretagne natale, ne verra pas le volume de ses précipitations modifié, l’évaporation de l’eau sera elle plus importante et au final l’eau disponible sera plus limitée. Le débit des rivières s’en trouvera fortement affecté.
« L’élevage contribue aux émissions, mais il contribue aussi à leur atténuation », a souligné le chercheur, rappelant que la part de l’agriculture au réchauffement était de 12 %, dont 5 % liés à l’élevage. Parmi les opportunités qui participent aux atténuations des émissions figurent les prairies qui stockent du carbone, la méthanisation. De nombreux programmes de l’Institut de l’élevage, comme Carbon Dairy et Beef Carbone, faisaient partie des trente innovations présentées mardi.
(1) Giec : groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat.