« Il faut arrêter le gâchis », s’insurge René Autellet à la SitmaFGR, le réseau scientifique et technique de l’agroéquipement. Cet ingénieur conseil en machinisme agricole, spécialiste des dossiers de réception « aux Mines », est l’un des rares en France à maîtriser sur le bout des doigts les subtilités des homologations routières des machines agricoles.

 

En cause, l‘ arrêté ministériel du 19 décembre 2016 qui redéfinit les dispositions applicables aux réceptions nationales. L’article 14 précise que « les nouvelles réceptions sont obligatoires pour les nouveaux types de véhicules (nouvelles gammes) à compter du 1er janvier 2019 et pour tous les véhicules neufs à compter du 1er janvier 2020 ».

Toute la gamme à réhomologuer

En clair, toutes les réceptions prononcées à ce jour ne seront plus valables dans un an. Pas de problème lorsque le matériel est déjà sur l’exploitation, la réception reste valable. Mais il ne sera plus possible pour un constructeur de vendre un matériel neuf homologué l’an dernier. Ce nouvel arrêté reprend les dispositions du réglement européen 167/2013 relatif aux tracteurs, dit « Mother Regulation », en l’appliquant aux remorques et machines traînées et semi-portées (MIAR).

 

Cette nécessité de réhomologuer l’ensemble de la gamme n’est pas trop gênante pour les automoteurs, qui sont renouvelés régulièrement pour se mettre en conformité avec les normes de dépollution pour les moteurs. Mais pour les MIAR, l’exigence d’une nouvelle réception pour des matériels qui sont souvent au catalogue depuis moins de 10 ans, n’a pas de sens du point de vue technique.

Un coût exorbitant

La pilule est d’autant plus difficile à avaler pour les constructeurs concernés (outils de fenaison, de semis et de travail du sol), qu’ils viennent de passer les dix dernières années à monter des dossiers d’homologation pour des machines qui n’en bénéficiaient pas avant la mise en place de leur immatriculation à vie (SIV) en 2013.

 

Repasser toutes les machines « aux Mines », signifie refaire les dossiers d’homologation et les resoumettre à l’appréciation de la Dreal, avec des niveaux d’exigence et de compréhension des textes très disparates selon les régions. Pour les constructeurs d’envergure internationale, le coût de telles opérations peut être absorbé sans trop de difficultés. Mais il risque de laisser au bord de la route de nombreuses PME françaises qui n’ont plus les moyens de payer de telles procédures, surtout pour des modèles spécifiques vendus à quelques unités par an.

Des différences selon les régions

De plus, les constructeurs internationaux peuvent faire réceptionner leurs machines auprès de certaines Dreal réputées les plus arrangeantes, tandis que les constructeurs régionaux sont obligés de se plier au bon vouloir de certains ingénieurs locaux, dont les exigences sont parfois incompatibles avec la fonction même du matériel.

 

« Certains ont tendance à oublier que la fonction première d’une charrue est d’être dans la terre, pas sur la route », répétait inlassablement René Autellet lors de la mise en place des SIV. Pour l’agriculteur, cela signifie aussi que le coût de cette nouvelle homologation se répercutera sur le prix de son matériel. À moins que la profession ne réussisse à faire modifier l’arrêté du 19 décembre 2016, en cours de révision.