La France Agricole : Quelles sont les filières coopératives qui souffrent le plus de cette crise sanitaire ?
Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole : Le degré d’impact est différent d’une filière à l’autre. Les secteurs où l’urgence est la plus forte sont l’horticulture et les espaces verts qui font 70 % de leur chiffre d’affaires annuel à cette période de l’année ainsi que les filières des vins et les filières des AOP-AOC. Ces deux dernières souffrent de la perte de débouchés auprès de la restauration et du comportement des foyers qui privilégient les produits déjà emballés plutôt qu’à la coupe. Il y a aussi des filières qui souffrent en raison de la baisse de la consommation mais aussi de l’exportation. C’est notamment le cas de la filière du vin, du lait et de la viande bovine. On est clairement passé d’une crise sanitaire à une crise économique.
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Quelles réponses faut-il mettre sur la table face à ces difficultés ?
On active différentes solutions. Organiser la consommation française en conséquence a été l’une des premières. Cela passe aussi par l’organisation du stockage avec la Commission européenne et la maîtrise de la production comme dans le lait notamment. Aujourd’hui, il s’agit d’organiser la reprise.
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Qu’entendez-vous par « reprise » ? Les coopératives ont pourtant poursuivi leur activité pendant le confinement.
Oui, elles ont réussi à répondre à l’urgence alimentaire. Leur premier enjeu était de faire en sorte à ce moment-là que les salariés viennent dans des conditions qui les protègent. L’objectif était ensuite de continuer l’activité de la chaîne alimentaire et d’assurer l’approvisionnement des exploitations agricoles dans la durée.
Il n’y a pas eu de pénurie ou de rupture, sauf peut-être momentanément à l’égard de certaines références. Mais aujourd’hui, on est sorti de l’urgence. On travaille actuellement à la reprise pour pouvoir accompagner le moment voulu l’ouverture des cafés, des hôtels, des restaurants et de la restauration collective. La reprise, c’est le retour à un fonctionnement normal des coopératives.
Avec le déconfinement, des salariés en arrêt pour garde d’enfants vont revenir. Nous avons d’ailleurs construit avec les syndicats des salariés un guide pour accompagner les entreprises au déconfinement et à la reprise. Ce guide organise la planification de l’activité et renseigne sur les mesures qui permettent d’assurer la sécurité et la santé des personnels. Il s’inscrit avec les mesures réglementaires du déconfinement.
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Les coopératives vont devoir fournir des masques à leurs salariés. Mais qu’en est-il pour leurs associés coopérateurs ?
Tout ça est en train de s’organiser actuellement et des commandes ont été passées. Les adhérents peuvent demander directement à leurs coopératives ce qu’il en sera. Les masques continueront d’être mis à disposition dans les magasins de distribution avec les équipements de protection. Mais pour les coopératives, équiper leurs salariés coûte désormais plus cher. Il faut savoir qu’avant cette crise une coopérative pouvait acheter des masques FFP2 à 3 ou 4 centimes d’euro l’unité. Maintenant, le prix tourne entre 60 et 65 centimes d’euro.
Une fois le déconfinement et la reprise enclenchée, quelle sera la prochaine étape ?
Ce sera le temps de la relance. Nous y travaillons déjà afin qu’un moyen terme, nous puissions présenter un plan au mois de septembre.
Ce plan abordera-t-il la question de la souveraineté alimentaire évoquée par le président de la République ?
Ce sera l’un des sujets, oui. En matière de tomates, nous ne sommes autosuffisants qu’à 20 % alors que nous avons les moyens de produire davantage. La production de poulets est aussi un autre exemple frappant. Être souverain alimentaire, c’est être maître de ses décisions en matière de stratégie pour nourrir sa population. Elle doit se raisonner au niveau national, mais également au niveau européen et au niveau mondial.
Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter les importations, mais il ne faut pas en être dépendant. Et il ne s’agit pas non plus d’arrêter les exportations car elles permettent dans certaines filières d’atteindre un équilibre matière. La mondialisation ne doit être qu’une conséquence de cette stratégie.
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