En mars, le ministère de l’Agriculture a présenté aux syndicats agricoles différents scénarios d’évolution des aides du premier pilier pour la prochaine Pac qui s’appliquera à compter de 2023. De quoi inquiéter certaines filières qui craignent que ces scénarios soient un avant-goût de ce qui sera décidé par Julien Denormandie.
Des contours encore flous
Rien n’est encore tranché, assure le ministère de l’Agriculture. D’autant qu’à Bruxelles, les contours de la réforme de la Pac n’ont pas été fixés : quelle sera la part du budget allouée aux aides couplées (12 % ou 15 % comme actuellement) ou encore aux écorégimes (20 % ou 30 %) ? Avec autant d’inconnues, les projections doivent rester très prudentes.
Le devenir des aides couplées cristallise beaucoup de peurs. Toutes les organisations parties prenantes dans l’élaboration de la future Pac s’accordent pour les conserver. Mais à enveloppe contrainte et fermée, tout nouveau coup de pouce à une production engendrera une baisse pour une autre.
Le spectre de perdre 140 millions d’euros au profit des protéines végétales
C’est là que l’idée portée par certains de doubler les soutiens aux protéines végétales, destinées à la consommation humaine et animale, inquiète les potentiels contributeurs. Les protéines végétales étaient dotées dans la dernière programmation de 2 % des aides directes, soit 140 millions d’euros par an.
Leur doublement pourrait impliquer d’en prélever autant, soit 140 millions d’euros, sur les aides couplées animales. Ainsi, ces dernières, qui bénéficient de près de 870 millions d’euros, passeraient à 730 millions d’euros, soit une baisse de 16 %. Si ce scénario était retenu, il reste à savoir quelles aides animales seraient ponctionnées.
La répartition actuelle des aides couplées animales
Une note du ministère de l’Agriculture, communiquée aux organisations parties prenantes des négociations, fait le point sur les aides couplées animales versées en 2019 :
- Les bovins allaitants, pour 608 millions d’euros (75 000 éleveurs, plus de 3,8 millions de vaches primées, 7 900 € en moyenne par éleveur). L’aide aux bovins allaitants (ABA) comprend trois tranches dégressives : 167 € par vache pour les 50 premières, 121 € par vache de la 51e jusqu’à la 99e et au-delà, 62 € par vache jusqu’à 139 vaches. Il est à noter que 86 % de l’enveloppe de 608 millions d’euros finance la première tranche ;
- Les veaux sous la mère sont aidés à hauteur de 4,5 millions d’euros (3 400 éleveurs, 70 000 têtes, 1 500 € en moyenne par éleveur) ;
- Les bovins laitiers de plaine, pour 84,5 millions d’euros et ceux de montagne pour 42,5 millions d’euros en 2019 (51 000 éleveurs, près de 2,6 millions de vaches primées, 2 400 € en moyenne par éleveur) ;
- Les ovins bénéficient d’une enveloppe de 113 millions d’euros (18 000 éleveurs détenant 4,7 millions de têtes, perçoivent en moyenne 6 000 €) ;
- Les caprins pour 13,5 millions d’euros (5 000 éleveurs détenant 850 000 têtes, ont perçu 2 700 € en moyenne).
Le scénario d’une aide à l’UGB bovine
Un scénario, porté par plusieurs parties prenantes, propose de modifier les aides bovines existantes (allaitant, laitier et peut-être aux veaux) en une aide à l’UGB bovine, laquelle pourrait s’appliquer aux UGB de plus de 16 mois, plafonnée à 100 UGB, avec un taux de chargement maximal de 1,4 UGB par hectare de surface fourragère.
Ces critères sont des hypothèses soumises à la concertation. Ce scénario permettrait d’encourager l’engraissement et accorderait plus de souplesse aux éleveurs, selon ses défenseurs.
Absence de visibilité sur les mesures compensatrices
Tout scénario visant à redistribuer les enveloppes suscite logiquement l’inquiétude. Mais il est encore trop tôt pour en mesurer l’impact sur les exploitations, et les possibles compensations via les écorégimes, le paiement redistributif ou l’ICHN.