Le colza baisse à la suite du pétrole cette semaine mais les céréales et les tourteaux s’envolent encore plus hauts, tirées par une forte demande, les intempéries en Australie, les achats de la Chine et les inquiétudes sur l’aptitude à l’exportation de l’Argentine.

L’Australie et l’Argentine inquiètent les opérateurs de blé

La semaine dernière, les prix avaient été fortement influencés à la hausse par les annonces du gouvernement russe (limitation des exportations russes en seconde moitié de campagne et augmentation possible des taxes), par les pluies sur les zones de production du blé en Australie et par les inquiétudes liées à la commercialisation du blé en Argentine. Pour rappel, ces inquiétudes découlent de deux éléments : le gouvernement, d’une part, veut garder la main sur les autorisations d’exportations données aux opérateurs afin d’assurer des volumes corrects pour le marché intérieur, et cela pourrait empêcher le pays d’exporter une partie de son potentiel (sans parler du manque d’eau dans certaines rivières). Les opérateurs sont par ailleurs extrêmement préoccupés à cause des essais de blé OGM menés par la firme Bioceres : Comment ces blés seront-ils isolés ? Quel coût auront les analyses nécessaires à leur détection ? Quelles sont les zones de production ?

 

L’Australie et l’Argentine maintiennent encore le marché en alerte cette semaine pour les mêmes raisons même si les résultats de la récolte en cours en Australie restent élevés en termes de rendement et les dégâts qualitatifs ne sont pas — pour l’instant — catastrophiques du tout.

Beaucoup d’achats de blé cette semaine sur le marché mondial

Par ailleurs, les achats et appels d’offres ont été nombreux et importants au cours des derniers jours : l’Égypte a acheté 60 000 tonnes de blé roumain, les Philippines ont acheté 220 000 tonnes de blé fourrager indien et australien, Taïwan et le Japon ont aussi poursuivi leurs achats réguliers. L’Algérie a réalisé un gros achat de 750 000 tonnes environ et la Turquie a relancé un appel d’offres important pour 385 000 tonnes. L’ensemble de ces achats et appels d’offres — plus le fait que l’Irak a annoncé qu’il lancerait prochainement aussi un appel d’offres pour près de 500 000 tonnes — ont continué de pousser les prix vers le haut.

 

Pourtant, le retour de l’Algérie avait d’abord exercé une pression baissière sur les prix français car l’Algérie a annoncé qu’elle étendait jusqu’à 1 % le taux de grains punaisés admis pour ses achats. Elle avait déjà relevé ce taux de 0,1 %, à 0,5 % en 2020, pour les blés à taux de protéines supérieurs à 12,5 %. Cela a permis à la Russie d’exporter déjà 90 000 tonnes en septembre à l’Algérie mais les quantités vendues à partir de la Russie ne progressaient plus depuis lors. L’annonce d’une restriction moins sévère a permis à la Russie de participer à l’appel d’offres algérien de cette semaine et de remporter 250 000 tonnes sur le total acheté. À l’annonce du changement du cahier des charges, les prix français avaient donc été affectés à la baisse à cause d’une plus grande compétition potentielle de la part de la Russie sur ce débouché traditionnel de la France. Néanmoins, l’effet baissier fut de courte durée, la compétition de la Russie a été gommée, dans son impact sur les prix, par l’ampleur de l’achat et le fait que 500 000 tonnes seront fournies par d’autres pays.

 

Enfin, des rumeurs circulent actuellement concernant des achats de la Chine certaines mentionnent la France comme origine possible mais l’Australie est bien positionnée actuellement sur le marché chinois.

 

L’ensemble des facteurs décrits ci-dessus et une nouvelle baisse de l’euro face au dollar ont soutenu les prix français qui ont gagné 2 €/t sur le marché physique (à 293,25 €/t rendu Rouen en base juillet) alors que le Matif en milieu de journée s’affichait en hausse de 4,5 €/t sur l’échéance décembre (à 301,75 €/t) et en hausse de 6,25 €/t sur l’échéance mars (à 298 €/t).

La hausse des prix des orges se poursuit

Les prix rendu Rouen des orges fourragères ont gagné encore 3 €/t cette semaine et atteignent 267 €/t (base juillet), à la faveur d’une demande mondiale dynamique. La Turquie et la Jordanie ont émis deux nouveaux appels d’offres, de 370 000 tonnes pour la Turquie et de 120 000 tonnes pour la Jordanie. Néanmoins, la hausse des cours ne permet pas à la France de se positionner sur ces appels d’offres, compte tenu du manque de compétitivité de l’orge française sur la scène internationale. Les exportations françaises sont d’ailleurs en berne depuis le début du mois et les stocks français s’annoncent en hausse d’une campagne sur l’autre. Cependant, le prix Fob Rouen de l’orge fourragère en dollars reste proche de celui de la semaine dernière, tout comme celui de l’Ukraine. En revanche, l’orge fourragère australienne perd 2 $/t et l’orge russe gagne 2 $/t. L’écart se creuse donc très légèrement entre les orges françaises, actuellement les moins compétitives du marché en prix Fob, et les orges australiennes, les moins chères du marché.

 

Les orges de brasserie se sont renchéries de 10 €/t cette semaine à 355 €/t pour l’orge de printemps et à 335 €/t pour l’orge d’hiver Fob Creil (base juillet). La hausse des cours brassicoles a été supérieure à celle observée sur le segment fourrager. À l’échelle mondiale, tout comme dans l’Union européenne, la situation brassicole est très tendue. Or, des pluies perturbent les moissons en Australie et pourraient altérer la qualité finale de la récolte. Ce phénomène apporte encore un peu plus de soutien aux prix brassicoles mondiaux.

Progression généralisée des cours du maïs

Du côté des achats, cette semaine a été marquée par quatre achats coréens pour un total de 270 000 tonnes, ainsi que par un achat mexicain de maïs US de 270 000 tonnes également. Les prix du maïs US ont progressé de 3 $/t cette semaine, tirés par cette demande et par le prix du blé. Au Brésil, des inquiétudes sur un possible stress hydrique sur les maïs plantés tôt dans l’état du Rio Grande do Sul ont également fait progresser les prix de 5 $/t. En Argentine, 29,2 du maïs a été semé, soit 9 points de moins que la moyenne, d’après la Bourse des grains de Buenos Aires, les agriculteurs se concentrant sur les semis de soja. Les prix Fob Argentine ont gagné 5 $/t, mais restent les plus bas du marché, 30 $/t en dessous des prix ukrainiens, inchangés depuis la semaine dernière avec la progression de la récolte, et 40 $/t en dessous des prix français. Cette semaine, malgré les belles perspectives de récolte en France et alors que la moisson se termine avec 91 % des surfaces récoltées (11 jours de retard par rapport à la moyenne quinquennale), les prix français progressent de 8 €/t Fob Atlantique à 252 €/t et de 7 €/t sur le Rhin à 259 €/t (base juillet).

 

Le maïs est en train de regagner beaucoup de demande à cause des prix très élevés du blé et cela partout dans le monde. Cet élément et le maintien d’une forte demande pour le secteur de l’éthanol soutiennent les prix.

Hausse des prix du soja aux USA

Les prix nord-américains du soja progressent en une semaine 19 $/t à Chicago pour l’échéance janvier (à 465 $/t), +16 $/t pour l’échéance de mai (à 472 $/t). Cela est dû à des achats des pays importateurs (environ 800 kt en une semaine), notamment chinois, ainsi qu’à l’appréciation du tourteau. Néanmoins, on peut constater un léger retard des ventes et des exportations américaines par rapport à l’année dernière. Le prix du soja Fob Brésil ne progresse que de 3 $/t (501 $/t). La hausse de prix a en effet été fortement modérée par le contexte favorable quant à la production, avec la fin très prochaine des semis brésiliens, en avance cette année (78 % des surfaces semées au 15 novembre).

 

Au Brésil, le début du cycle s’est déroulé dans des conditions météorologiques bonnes à excellentes. Les problématiques de prix et d’accès aux intrants ne devraient pas trop impacter la récolte brésilienne de soja de 2022, cette culture n’étant pas dépendante à l’azote comme le maïs. Cependant, les retards des livraisons de glyphosate avaient suscité des inquiétudes il y a quelques semaines. De façon générale, à l’inverse des USA, le Brésil est très dépendant de ses fournisseurs d’intrants (asiatiques et russes). Le gouvernement a lancé au début du mois de novembre un plan national des fertilisants qui mise à court terme sur la diplomatie pour sécuriser les approvisionnements.

 

En Argentine, le climat de ces dernières semaines a été moins favorable qu’au Brésil, mais malgré les conditions sèches pour certaines régions, les semis ont bien progressé. Au 18 novembre, 28,6 % des surfaces prévues étaient semées, en léger retard par rapport à l’année dernière. La semaine passée a apporté des pluies qui s’avéreront bénéfiques à la poursuite des travaux dans les prochains jours.

Hausse des prix du tourteau avec un retour de la demande

L’intérêt fort des pays importateurs de tourteau de soja ainsi que la prise volumineuse d’option d’achats des fonds de pension nord-américains génèrent une forte hausse des prix par rapport à la semaine dernière : +29 $/t à Chicago (408 $/t), +35 €/t à Montoir (429 €/t) et +21 $/t pour le tourteau Fob Argentine (404 $/t). Malgré ces hausses de prix, la compétitivité du tourteau de soja face aux céréales se maintient. À noter qu’actuellement, les prix des acides aminés de synthèse flambent : comme pour l’azote, la production est coûteuse en énergie et de la majorité des usines en produisant se situe en Chine. Récemment, le pays faisait toujours face à des ralentissements industriels.

 

La production et la consommation de tourteau de soja sont prévues en nette hausse pour la campagne de 2021-2022, grâce à une bonne disponibilité de fèves de soja, et grâce à des niveaux de trituration élevés, notamment aux États-Unis. Le très haut niveau du mois d’octobre dans ce pays (un peu plus de cinq millions de tonnes de soja trituré) témoigne d’une activité soutenue. En Europe, la trituration de soja est quelque peu ralentie sur le court terme, la priorité étant de triturer le colza européen tant qu’il est disponible, celui-ci bénéficiant de marges industrielles exceptionnelles.

 

Le prix du pois en France s’est lui plutôt tassé cette semaine, perdant 2 €/t départ Marne à 325 €/t, les acheteurs s’étant détournés de cette matière au profit du tourteau.

Baisse des cours du colza français

Cette semaine, malgré la hausse des cours du canola au Canada (forte demande mais ventes limitées des agriculteurs canadiens) et de l’huile de palme (fortes exportations en novembre mais baisse de la production attendue avec l’arrivée de la mousson), les prix du colza en France sont en baisse. Les cours diminuent de 10 €/t rendu Rouen (à 697 €/t) et de 8 €/t en Fob Moselle (à 705 €/t) en raison de la baisse des prix du pétrole. Cette dernière découle en premier lieu de la résurgence de l’épidémie de Covid-19 en Europe pouvant affecter la demande en énergie. D’autre part, cela résulte d’une demande que les USA ont adressée aux principaux consommateurs de pétrole (comme la Chine et le Japon) d’envisager une libération de leurs réserves stratégiques de pétrole. Enfin, les prix du colza ont également subi la pression de la chute des cours de l’huile de colza, moins demandée sur le court terme, car non compétitive sur le marché des huiles végétales. En effet, les cours de l’huile de colza ont fortement chuté cette semaine (−104 $/t à Rotterdam), la couverture des approvisionnements des producteurs de biodiesel de colza (FAME −10, compatible avec les températures hivernales) étant faite pour une bonne partie.

 

Enfin, les cours n’ont pas été très affectés par les inondations au Canada ayant coupé l’accès ferroviaire au port de Vancouver. En effet, même si les mouvements de canola du Canada sont interrompus, les disponibilités canadiennes étant faibles cette année, la perturbation ferroviaire ne devrait pas avoir beaucoup d’impact sur le commerce mondial de canola, d’autant plus que le trafic pourrait reprendre à la fin de la semaine prochaine.

Recul des cours du tournesol

La récolte de tournesol en Ukraine est désormais terminée et atteint presque 17 millions de tonnes (Mt), un nouveau record après celui de la campagne de 2019-2020 un peu plus de 16 Mt. La récolte russe approche aussi de sa fin, avec plus de 98 % des surfaces récoltées au 17 novembre. La production est estimée à un très bon niveau de presque 15 Mt, soit à peine moins que le record de production de 2019-2020 (15,4 Mt). Après plusieurs semaines de baisse des cours à la suite de la progression de la collecte, les prix sont repartis à la hausse (+5 $/t pour le tournesol Fob mer Noire) en raison d’un regain d’intérêt des triturateurs. Les prix ont aussi été entraînés par la hausse du cours de l’huile de tournesol (+50 $/t) : la demande des importateurs et des industriels de l’agroalimentaire a été plutôt dynamique ces derniers jours en raison de l’attractivité de cette huile par rapport à ses concurrentes, alors que les disponibilités sont limitées. À noter que malgré ce récent renchérissement, l’huile de tournesol reste moins chère que l’huile de soja et que l’huile de colza dans l’Union européenne.

 

Le cours du tournesol oléique à Saint-Nazaire est lui stable à 630 €/t, un niveau record pour cette cotation. Le fort intérêt de ce tournesol a empêché les prix français de suivre à la baisse le prix de leurs concurrents de la mer Noire. Le cours du tournesol standard est au contraire en recul de 15 €/t cette semaine à 600 €/t, en raison d’un moindre intérêt des triturateurs pour cette qualité.

À suivre : achats de la Chine en blé, impact des pluies sur la récolte australienne, devenir des blés OGM en Argentine, profil (substitution blé/maïs) des formules animales, prix de l’énergie et des engrais, achats d’huiles des pays émergents, conditions climatiques en Amérique du Sud (soja), prix du pétrole, conditions de cultures pour le colza en Asie et en Europe, contexte sanitaire mondial (cas de Covid).