Le géant mondial du lait Lactalis, resté une entreprise familiale depuis sa création en 1933, a annoncé ce jeudi 20 avril 2023 avoir dépassé 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Il détrône ainsi Danone comme leader français de l’agroalimentaire.

Lactalis, quatre-vingt-dix ans d’histoire

Lactalis, le groupe derrière les camemberts Président, la mozzarella Galbani, le fromage à trous Leerdammer ou encore le lait Parmalat, intègre ainsi le top 10 mondial de l’industrie agroalimentaire.

L’autre mastodonte français Danone, désormais onzième au niveau mondial, a généré près de 27,7 milliards de chiffre d’affaires en 2022. Nestlé, le numéro un mondial, dépasse 95 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

L’entreprise Besnier, devenue Lactalis en 1999, a fait du chemin depuis les trente-cinq camemberts produits, le premier jour, dans la fromagerie de Laval (ouest), par son fondateur André Besnier. La société non cotée en Bourse est devenue un géant des produits laitiers à coups d’acquisitions, d’abord en France, dans les années 1970 et 1980, puis à l’international.

Le leader français au-delà des frontières

Une histoire non sans remous. La prise de contrôle du fleuron italien Parmalat en 2011, après Galbani en 2006, avait propulsé Lactalis numéro un mondial du lait et déclenché une levée de boucliers dans le pays.

Récemment, le rachat de Nuova Castelli, spécialisé dans les fromages traditionnels, notamment les AOP parmigiano reggiano et mozzarella di bufala campana, a aussi suscité un certain émoi.

Mais les marques italiennes ont prospéré depuis, fait valoir Lactalis, qui a choisi l’Italie — quatrième marché du groupe derrière la France, les États-Unis et le Canada — pour présenter son bilan de santé à bientôt 90 ans.

Une entreprise familiale

En 2022, Lactalis a transformé 22,6 milliards de litres de lait en fromage, yaourt, beurre, crème… Et son chiffre d’affaires a plus que quintuplé depuis 2000, l’année où Emmanuel Besnier, le petit-fils d’André, a pris les commandes. Plus de cent sociétés ont été rachetées dans cet intervalle, principalement par emprunts bancaires, avec 6,45 milliards de dette nette en 2022.

Son modèle familial a le mérite d’inscrire Lactalis « dans un temps un peu plus long, avec une plus grande constance, et aussi parfois plus de réactivité » par rapport aux concurrents, a estimé Emmanuel Besnier lors d’une conférence de presse à Parme. Son frère et sa sœur siègent au conseil de surveillance, sans rôle public.

270 sites et 85 000 employés plus tard

L’activité de Lactalis a fortement progressé l’an dernier à 28,3 milliards d’euros, tirée par l’augmentation du prix de vente de ses produits mais aussi gonflée par ses acquisitions récentes. En particulier, celle d’une partie des fromages de la marque Kraft (hors Philadelphia) populaire en Amérique du Nord, et Leerdammer.

Dans le même temps, sa rentabilité s’est réduite, avec un bénéfice net de 384 millions d’euros, soit –14 % sur un an, faute d’avoir pu répercuter entièrement « la forte inflation de nos coûts » (lait, emballages, énergie…), a souligné le patron.

Lactalis compte deux cent soixante-dix sites de production dans cinquante et un pays, et 85 000 employés. Ses produits sont commercialisés dans cent cinquante pays.

Un géant qui reste discret

Au sein du groupe se côtoient les cathédrales industrielles largement automatisées, affectées à la fabrication des produits de consommation courante, et les chapelles plus artisanales, où sont produits les fromages détenant une appellation d’origine (roquefort, camembert de Normandie, parmigiano reggiano…).

Les emballages ne portent aucune mention Lactalis, rendant difficile pour les consommateurs d’établir un lien avec un groupe longtemps réputé pour sa culture du secret. La famille Besnier elle-même se dit attachée au précepte de Saint-Vincent-de-Paul : « Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien. »

Mais les critiques sur l’opacité de Lactalis ont atteint leur apogée en 2017-2018, lors de la gestion chaotique de la crise du lait infantile — des dizaines de nourrissons avaient été atteints de salmonellose en France. Lactalis a récemment été mis en examen dans cette affaire.

Le groupe s’ouvre désormais davantage, en faisant visiter ses usines à des journalistes ou en tenant un stand au Salon de l’agriculture.

Les relations avec le monde agricole, qui a longtemps reproché à Lactalis de ne pas payer suffisamment le lait, se sont apaisées en France. Emmanuel Besnier était même présent à la fin de mars à la soirée en hommage à l’ex-présidente du syndicat majoritaire du secteur, la FNSEA, Christiane Lambert.