Quel est l’état actuel des relations au sein de la chaîne alimentaire ?
« Les distributeurs ont repris la posture de défenseur du pouvoir d’achat des consommateurs, Leclerc en tête, et la guerre des prix sur le fond de rayon et les promotions, est toujours d’actualité. Alors qu’Egalim a sanctuarisé le coût de la matière première, les négociations entre fournisseurs et distributeurs se sont déplacées sur d’autres points : packaging, salaires, R&D, communication et logistique. Beaucoup de PME-PMI sont confrontées à des refus d’augmentation tarifaire, pourtant légitimes car ne reflétant que l’augmentation des coûts de production, l’énergie en particulier. Alors que le taux de marge des PMI-PME n’a jamais été aussi bas depuis 1974, les difficultés des industriels de l’agroalimentaire rejailliront tôt ou tard sur les producteurs. »
En quoi les lois Egalim sont-elles insuffisantes ?
« Elles ne suffiront pas à rétablir un équilibre durable dans le partage de la valeur ajoutée entre les différents maillons de la chaîne. En 2022, sur 100 € d’achat de produit alimentaire au détail, 6,30 € seulement revient aux producteurs (contre 11,50 € il y a vingt ans).
Beaucoup trop dispersés (370 000 exploitations dont 47 000 en bio), les producteurs disposent actuellement, grâce aux tensions sur les marchés, d’un rapport de force favorable. Mais pour combien de temps ? La grande distribution risque de reprendre toute sa place en arguant la nécessité d’une descente en gamme pour répondre à la demande des consommateurs en panne de pouvoir d’achat.
Pour contenir la déflation que veulent organiser les distributeurs, le gouvernement dispose de leviers à actionner. Un décret pourrait être pris en urgence pour sanctuariser sur les 18 prochains mois, les prix agricoles au niveau où ils sont aujourd’hui. Il serait également envisageable de rendre les conditions générales de vente non négociables à partir du moment où elles sont justifiées. Au cas où les négociations entre distributeurs et entreprises agroalimentaires se passeraient mal, l’État devrait organiser le prélèvement des sommes indûment conservées par la distribution depuis le 1er mars 2019, au titre de l’application du seuil de revente à perte + 10 (*). »
La proposition de loi Descrozaille peut-elle améliorer les choses ?
« Adoptée en première lecture à l’unanimité le 18 janvier à l’Assemblée nationale, elle peut contribuer à rééquilibrer en partie les relations commerciales entre fournisseurs et grandes surfaces en offrant un cadre juridique plus sécurisant aux industriels avant que nos filières agri-agroalimentaires ne soient à terre. Ce texte modeste complète les dispositifs Egalim 1 et 2. Son article 3 dissipe une insécurité juridique, source de nombreux contentieux à savoir que le cadre réglementaire actuel permet aux GMS, faute d’accord sur les nouveaux tarifs de 2023, d’exiger de leurs fournisseurs la poursuite des livraisons pendant plus d’un an au tarif de l’année 2022 ! Cette situation est économiquement impensable en période d’hyperinflation des coûts de production. »
(*) Le SRP oblige les distributeurs à vendre les produits alimentaires avec une marge minimale de 10 %.