Du 18 au 20 juillet 1876, la Société d’Agriculture de la Sarthe récompense la famille agricole des Plouse, « donnant l'exemple de ces trop rares familles agricoles élevant de la manière la plus convenable le plus grand nombre d’enfants attachés à la culture ». Elle répond ainsi, à l'instar de la Société centrale de l’Yonne, aux suggestions d’Édouard Drouyn de Lhuys, président de la Société des agriculteurs de France. Des rangs des paysans doivent sortir quelques modèles emblématiques de l’idéologie au pouvoir. C’est donc l’état d’esprit autant que la réussite économique qui sont mis en avant avec la famille de « maître » Joseph Plouse (1817-1882) et Marie Leproust, fermiers de 50 ha à Saint-des-Échelles, écart de la commune de Montmirail. Le « modèle » ainsi promu en dit long sur les attentes des grands notables à l’égard des paysans. C’est le marquis de Talhouet qui offre cette médaille d’or en « récompense hors ligne » aux dignes lauréats. Sous le paternalisme – auquel la IIIe République restera fidèle – percent des relents de la société d’ordres de l’Ancien Régime.

Les époux Plouse ont assez instruits leurs neuf enfants pour en faire de bons cultivateurs

« La famille Plouse, lit-on dans le compte rendu, nous offre l’exemple trop rare de ces familles agricoles qui méritent une telle récompense ». Le chef de famille vient de recevoir le 2e prix de culture et son épouse a été célébrée comme l’une des « fermières les plus intelligentes », pour l’excellente tenue de sa maison, de sa porcherie, de sa laiterie. « Mais, indépendamment de ces mérites, la commission doit les plus grands éloges aux sieur et dame Plouse, pour le modèle qu’ils offrent de ces bonnes familles agricoles où les père et mère ont le bon esprit d’élever leurs enfants de manière à en faire de bons cultivateurs ».

« Les époux Plouse ont élevé neuf enfants, les ont fait instruire un peu, ce qu’il fallait pour en faire de bons cultivateurs (sic), nous ont-ils dit modestement, sans se douter qu’ils faisaient ainsi la critique trop justifiée de ces nombreux fermiers qui, souvent par orgueil, donnent à leurs enfants, dans des pensions de ville, cette instruction recherchée qui, généralement, éloigne ces enfants de la vie honnête et simple des cultivateurs, vie qu’ils trouvent au-dessous de leur mérite ; les enfants Plouse, instruits suffisamment, ont suivi la voie tracée par leurs parents et leur ont donné toute satisfaction ».

« Le fils aîné est dans une ferme de 37 ha. Trois filles sont mariées à des fermiers, dans le voisinage de leurs parents. Une quatrième fille est sœur enseignante à Vivoin. Un deuxième fils est revenu du service militaire ; il travaille avec son frère aîné. Un troisième est soldat, et pense bien, au retour du service, reprendre la tradition paternelle. Le quatrième, après avoir subi les épreuves de la guerre comme prisonnier en Prusse, aide son père dans l’exploitation de sa ferme et va lui succéder. Enfin le neuvième enfant travaille avec ses père et mère en attendant le service militaire et compte bien aussi, à son retour, suivre le bon exemple tracé par ses frères et sœurs. C’est donc bien là, conclut la Société d’Agriculture de la Sarthe, la vraie famille agricole ; si ce noble exemple était suivi, on n’aurait plus à se préoccuper de la dépopulation des campagnes. »