Au total huit vétérinaires sont présents parmi les 25 prévenus jugés depuis le 9 janvier 2023 et jusqu'à la fin du mois. Pourquoi ? Pour leur implication dans une escroquerie ayant permis d'envoyer dans la filière de l'alimentation humaine des dizaines de chevaux pourtant interdits d'abattage. Il s'agissait notamment des chevaux issus d'une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur, où ils avaient servi à l'élaboration de sérums antirabiques ou antivenimeux.

Des équidés en partance pour la Pologne

Associés au sein d'une même clinique vétérinaire, trois praticiens avaient examiné des bêtes provenant d’un marchand de chevaux du Tarn-et-Garonne. Entre 2011 et 2013, au centre de rassemblement de chevaux de Saint-Flour (Cantal), ils avaient assuré la visite sanitaire obligatoire de ces équidés en partance pour la Pologne. Cette visite  est obligatoire pour obtenir un certificat d'échange intracommunautaire.

Jugés pour faux habituels et complicité de tromperie, l'accusation reproche aux trois vétérinaires d'avoir établi ces documents sanitaires "sans voir les chevaux". Mais, à la barre, les trois médecins ont affirmé l'inverse. "On a vu tous les chevaux", a assuré l'un d’eux, qui a décrit sa mission au centre de Saint-Flour : vérifier l'absence de signes cliniques de maladies, de plaies, de traumatismes. "Pas de diarrhée, pas de toux, pas d'animal qui boite, on atteste que les chevaux sont transportables."

Quant au contrôle des puces des chevaux, celui-ci se faisait seulement par sondage, à raison de cinq ou six chevaux vérifiés sur les 16 à 17 transportés dans chaque camion. "En trois ans, nous avons eu zéro remarque de la direction des services vétérinaires sur notre façon d'opérer", s'est défendu le prévenu. De plus, assurent ces vétérinaires, ce n'était pas à eux mais aux services vétérinaires qu'il incombait de vérifier l'identification des chevaux.

Des formulaires qui se contredisent

De fait, deux formulaires administratifs d'inspection des animaux se contredisent, comme l'a constaté le tribunal : l'un demandant au vétérinaire certificateur de vérifier que les chevaux étaient bien identifiés conformément à la réglementation, l'autre ne lui prescrivant pas cette mission. "On est le premier maillon du contrôle, après nous il y a la direction des services vétérinaires et puis les abattoirs, a relevé un autre vétérinaire. Or on est les seuls à être là, ça me dérange un peu."

Lors de leur audition, les trois vétérinaires ont suggéré qu'ils avaient pu être grugés par le négociant, dont les manœuvres frauduleuses ont été soulignées quelques heures plus tôt devant le tribunal. Sur des écoutes diffusées par la présidente du tribunal, Céline Ballerini, on l’entend rechercher ou proposer des carnets d'identification de chevaux morts pouvant correspondre à la description d'un animal ne disposant pas des documents pour l'abattage.

"T'as pas deux-trois papiers “mâle alezan” ou “mâle noir” pour des chevaux qui n'ont pas de papier ?", l'entend-on demander sur ces interceptions téléphoniques de 2013. "Qu'est-ce que c'est que ce bazar dans les papiers?", a fini par s'étonner la présidente à l'écoute des appels entre maquignons et éleveurs. Chez l'un de ces derniers, les enquêteurs avaient même découvert le tampon encreur d'un vétérinaire décédé quelques années plus tôt.