« Cibles des ONG et des anti-élevage
« De nombreux agriculteurs se sont ralliés au mouvement des gilets jaunes dans plusieurs régions. Tous partagent un ras-le-bol fiscal et des difficultés financières au quotidien. Depuis quelques années s’ajoute l’exaspération d’être pris pour cible par des ONG environnementales ou anti-élevage. Être mis sans cesse au banc des accusés est moralement usant. Après avoir été les fers de lance de la modernisation pendant les 30 Glorieuses, les agriculteurs ont l’impression d’être vus comme des obstacles au progrès, des ringards. La société semble dire : « Si on vous laisse faire, vous allez maltraiter les animaux et polluer avec les phytos. » D’où un sentiment de méfiance et de déclassement très violent.
« Victimes de la transition écologique ?
Depuis la décision d’interdire le glyphosate d’ici à trois ans, les agriculteurs voient bien que le gouvernement peut leur forcer la main, et que ce sera à eux de supporter les surcoûts. Cela leur est d’autant plus difficile à accepter que, selon eux, des gros industriels face à pareil défi auraient sans doute bénéficié de délais plus longs. Mais il est plus facile de s’en prendre à des petites entreprises isolées qu’à des mastodontes ! Les agriculteurs ont peur d’être les victimes de la transition écologique. Certains redoutent même le pire, comme la disparition de l’élevage ou l’interdiction de l’usage des phytosanitaires de synthèse. L’effondrement de l’agriculture moderne et un retour forcé aux méthodes du passé les angoissent. Eux savent bien les conséquences en termes de pénibilité du travail et de vulnérabilité face aux aléas. Mais seront-ils écoutés ?
Cela crée un climat électrique où ils surréagissent aux attaques de Générations futures ou des végans. Alors que le pouvoir de ces derniers est minime par rapport à celui des grands acteurs de la distribution ! Carrefour qui s’oriente vers le bio ou la réduction des traitements phyto a beaucoup plus d’impact !
« Trouver de nouveaux porte-parole
Les agriculteurs souffrent d’être mal compris par le grand public. Mais la réciproque est vraie : eux-mêmes n’ont pas toujours une vision juste de la vie de leurs concitoyens en considérant, par exemple, que tous les Parisiens sont des bobos ou que les élites sont largement influencées par les idées écologistes. Plus globalement, l’affaire des gilets jaunes a montré qu’il y avait en France une large méconnaissance des différents groupes sociaux. En ouvrant les journaux, on pourrait croire qu’il y a en France des élites, des banlieusards, des intégristes religieux, des végans et des zadistes. La catégorie des ouvriers, employés, agriculteurs et indépendants, qui représente 56 % de la population active, est ainsi souvent passée sous silence ! C’est cette France silencieuse qui manifeste et veut prendre la parole, sans récupération politique ou syndicale. Les Français réclament des nouveaux porte-parole qui soient en dehors d’une logique institutionnelle et corporatiste. »