Des agriculteurs se mobilisent et enfilent un gilet jaune. Des initiatives prises, dans la plupart des cas, à titre individuel. Leur présence est signalée un peu partout en France, sans qu’on puisse en mesurer le nombre.
Syndicats en retrait
Au niveau national, les syndicats agricoles sont en effet restés en retrait. « La récupération syndicale ou politique ne doit pas avoir lieu. Nous ne la cautionnerons pas », soulignent par exemple la FNSEA (Fédération nationale des syndicats agricoles) et Jeunes Agriculteurs (JA) dans un communiqué commun du 15 novembre.
En revanche, qu’il s’agisse des organisations syndicales majoritaires, de la Coordination rurale ou bien de la Confédération paysanne, on note une certaine solidarité avec les manifestants. En particulier sur le thème du malaise des territoires ruraux.
« Derrière la colère qui s’exprime sur le carburant, c’est aussi le ras-le-bol des territoires ruraux qui explose à la vue de tous. Le ras-le-bol de tous les ruraux qui n’ont aucun autre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler, de tous ceux qui se sentent aujourd’hui citoyens de seconde zone car laissés de côté par les politiques publiques », poursuivent la FNSEA et JA.
La Confédération paysanne n’a pas appelé officiellement à manifester, même si certains de ses adhérents ont pu rejoindre le mouvement des gilets jaunes. C’est ce qu’a pu constater notre correspondante en Dordogne. « Nous comprenons cette colère populaire dans le contexte d’injustice sociale, mais nous n’avons pas souhaité être assimilés à un mouvement qui est désorganisé », lui a déclaré Jules Charmoy, porte-parole du syndicat dans ce département.
Il poursuit « ce qui nous semble évident, c’est qu’il faut sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Nous sommes les premiers à constater le dérèglement dans nos champs. Nous demandons des solutions alternatives pour le monde agricole le plus rapidement possible. Il est possible d’obtenir, sur facture, un remboursement partiel de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) sur les carburants utilisés pour l’exploitation. Mais il faut donc envisager un accompagnement vers des systèmes plus économes en énergies fossiles et une sortie progressive de ce mécanisme. »
Mobilisés en tant que « citoyens de la ruralité »
Voici un tour des Régions, non exhaustif, de la mobilisation d’agriculteurs parmi les gilets jaunes
Dans les Hauts-de-France.. Les gilets jaunes ont reçu, le 17 novembre, le soutien d’une dizaine de tracteurs de membres de la Coordination rurale (CR) dans le Nord, pour bloquer l’entrée de Lille, et notamment les points de Lesquin, Seclin et Faches-Thumesnil.
« Nous avons été applaudis à notre arrivée, souligne Carlos Descamps, président de la CR du Nord. Nous sommes concernés à double titre par cette mobilisation, en tant que citoyen comme tout le monde, et en tant qu’agriculteur, car nous sommes de gros consommateurs de carburant. Le GNR a augmenté de 25 % ces derniers mois, sans que nous puissions répercuter la hausse sur nos prix de vente. Interrogés par TF1, LCI et La Voix du Nord, nous avons pu faire part de notre désarroi et évoquer l’intérêt des biocarburants et de la méthanisation pour réduire notre dépendance vis-à-vis des importations de pétrole. »
Des membres du syndicat avaient aussi fait le déplacement à Arras dans le Pas-de-Calais, à Flixecourt dans la Somme ou encore à Gournay-en Braye dans l’Oise où ils avaient organisé le 17 et le 18 novembre, un barbecue. « Puisque de nombreux agriculteurs souhaitaient participer à la journée de mobilisation des gilets jaunes, la Coordination rurale des Hauts-de-France a décidé de les soutenir et de les encourager, explique Bertrand Mouillon, animateur du syndicat régional. Comme cette action était un mouvement citoyen, apolitique et a syndical, notre syndicat n’était pas présent en tant que tel, chaque agriculteur y était à titre individuel. »
En Alsace. Des agriculteurs du Sundgau (Haut-Rhin) ont participé au mouvement des gilets jaunes du 17 novembre en tracteurs. « Nous y sommes allés entre copains, à titre personnel », confie Samuel Adam. Ce jeune agriculteur en stage d’apprentissage chez un éleveur laitier de Largitzen, dans le sud du Haut-Rhin, se sent concerné « par toutes les taxes qui augmentent ». Avec une dizaine de collègues, il s’est dit que leurs tracteurs donneraient « de l’impact » à l’action des gilets jaunes. Ils ont ainsi successivement ralenti la circulation de 8h30 à 19h00 sur trois ronds-points d’Altkirch, près de Mulhouse. « Quelques automobilistes ont appuyé sur la pédale des gaz. Mais nous avons aussi eu des paroles de soutien », indique Samuel. Le groupe se dit prêt à participer à de futures mobilisations.
En Auvergne. Quelques agriculteurs du sud du Cantal se sont mobilisés en tant que citoyens ce lundi 19 novembre au matin en participant à un cortège reliant Montsalvy à Aurillac. Ils ne répondaient à aucun appel de syndicat agricole. Ce cortège ralentissant la circulation comptait des tracteurs, mais aussi des camions (travaux publics, déménagement…). Ces professionnels mécontents ont rejoint les gilets jaunes à Aurillac.
En Limousin. Les agriculteurs de la Creuse se sont mobilisés le lundi 19 novembre à partir de 14h00 pour rallier les gilets jaunes sur un appel syndical des JA et de la FDSEA. Leur action qui se veut illimitée dans le temps consiste à bloquer les cinq axes d’entrée dans le département. Une centaine de manifestants est présente sur chaque site où les camions de fret sont bloqués et les automobilistes filtrés. Il est également prévu de murer les perceptions. Les manifestants espèrent être rejoints par d’autres syndicats professionnels (infirmiers, taxis…) pour faire boule de neige dans ce ras-de-bol d’un « peuple surtaxé ». Le mot d’ordre syndical a été lancé au niveau de la Nouvelle-Aquitaine, environ une moitié des départements le suivrait à ce jour.
En Franche-Comté. Le 17 novembre, des manifestations ont eu lieu sur 15 sites dans la Haute-Saône, dont 7 déclarés. En amont, la FDSEA du département a informé les exploitants (via Facebook, SMS et la presse agricole départementale) des lieux et horaires de ces sept barrages. « Nous avons appelé les agriculteurs, actifs et retraités, à manifester en tant que citoyens de la ruralité. Sur place, nous n’avions pas de présence syndicale », explique Alexandre Lacroix, directeur adjoint à la FDSEA. Parmi les manifestants, dont le nombre a dépassé les 2 000 personnes au plus fort de la mobilisation, selon la préfecture, des agriculteurs ont participé aux blocages avec quelques tracteurs.
En Poitou-Charentes. Les syndicats agricoles n’avaient pas donné de mots d’ordre. Quand des agriculteurs ont manifesté, ils l’ont fait individuellement ou par petites organisations locales. Ainsi, en Charente-Maritime, des agriculteurs étaient présents pour bloquer un rond-point de Saintes et le centre commercial que dessert ce rond-point. Dans la Vienne, des agriculteurs sont venus en tracteurs prêter main-forte aux gilets jaunes. D’autres professionnels, comme les transporteurs routiers ou les ambulanciers, les ont rejoints.