Les acteurs de l’énergie s’enflamment à l’approche de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit avoir lieu au cours du premier semestre de 2018.

Tous les acteurs des filières énergétiques mais aussi des responsables politiques se sont donné rendez-vous ce mercredi 29 novembre à Paris, à l’occasion des dix-huitièmes Rencontres de l’énergie. Partisans des énergies fossiles, nucléaires ou renouvelables, défenseurs ou accusateurs de la politique de Nicolas Hulot affrontaient leurs visions pour les cinq années à venir, et même au-delà. Mais c’est le gaz renouvelable qui a finalement fait consensus.

30 % de gaz renouvelable en 2030

« La décarbonatation du mix électrique passe par la décarbonatation du gaz », selon l’association Coénove (1). Dans la grande zizanie du moment, chacun souhaitant défendre les intérêts de sa filière dans l’optique de la révision de la PPE, le gaz renouvelable, par la voix de Bernard Aulagne (Coénove) ou d’Olivier Aubert (GRT Gaz), semble tirer son épingle du jeu.

« Le gaz renouvelable, c’est la méthanisation, la gazéification de la biomasse et le power to gaz », s’exclamait ainsi Bernard Aulagne, président de l’association Coénove. « Pour nous, la politique du quinquennat doit être d’atteindre 30 % de gaz renouvelable en 2030 au lieu de 10 % prévus dans la PPE actuelle. » Même discours du côté de GRT Gaz. Son directeur de l’offre, Olivier Aubert, précise que « ces 10 % sont de notre vue, insuffisants. Nous sommes capables d’absorber 30 % de biométhane dans le réseau. Cela représente une production de 90 térawattheures, ou 4 000 unités de méthanisation. L’Allemagne en compte 10 000 ».

Gaz liquéfié renouvelable

« Le bio-GPL existe, il est développé et en 2018, les premiers kilowattheures vont arriver sur le marché. » Telle est la conviction de Joël Pedessac, directeur général du Comité français du butane et du propane. Il précise en outre que ce gaz liquéfié d’origine renouvelable peut être transporté dans les bouteilles existantes. Ce gaz est plus précisément issu de la fermentation de biomasse. C’est un gaz de synthèse devant émettre 60 % de moins de CO2 comparé au gaz de pétrole liquéfié (GPL) classique. « Le bio-GPL devra représenter 10 % de nos ventes à l’horizon de 2030 », précise encore Joël Pedessac.

L’hydrogène en embuscade

Également prometteurs, les acteurs français de l’énergie confient volontiers l’importance de l’hydrogène parmi les développements de gaz renouvelables à venir. En effet, les énergies renouvelables intermittentes, que sont principalement le solaire et l’éolien, peuvent être stockées sous forme d’hydrogène.

Si EDF admet ce mercredi consacrer un budget de développement sur les piles à combustible, ou fuel cells, qui permettent de reprendre cet hydrogène pour en refaire de l’électricité, la société Sylfen a de son côté annoncé le développement de sa solution de bâtiment autonome en énergie et utilisant de l’hydrogène pour 2018. Du côté industriel, GRT Gaz précisait que la première pierre de l’usine de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau Jupiter 1000 sera posée jeudi 30 novembre à Fos-sur-Mer. Cette unité industrielle devra répondre à la problématique de l’intermittence des énergies renouvelables. Hydrogène et méthane de synthèse seront produits et transportés dans le réseau de gaz naturel.

Les désaccords au grand jour

« EDF est dans une situation inconfortable à cause des algorithmes du passé, […] il faut sauver EDF, […] c’est un désastre boursier », explique Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Énergie. Lui milite pour une libéralisation des marchés, pour une production décentralisée et une implication forte des Français, et pour plus de concurrence. Il pointe la réglementation des tarifs et l’opposition des Français à la libéralisation.

« Ce qui est important, c’est que le fonds chaleur double, mais le président de l’Ademe a pour challenge le maintien du niveau actuel. » Le secrétaire général de Dalkia, Eric Molinié, fait directement référence à la promesse d’Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence de la République, de doubler le fonds chaleur une fois élu. « La politique énergétique se régit dans un temps long », déclare-t-il encore, « notamment pour les réseaux de chaleur ».

De son côté, Francis Duseux, président de l’Ufip (2), rappelle que « le pétrole, c’est la vie ». Celui qui déclare aussi que l’« on aura encore besoin de pétrole pendant 40 ou 50 ans » veut que « l’on se donne du temps sur la transition énergétique ». Francis Duseux précise que l’on utilisera encore beaucoup de pétrole à l’avenir pour les secteurs de la chimie, du transport, de l’habillement, de la beauté, etc. Pour lui, « la loi [de Nicolas Hulot] sur les hydrocarbures est symbolique et ne sert à rien ».

« On est là, 25 % des ventes de véhicules électriques sont des Renault-Nissan. » Le directeur scientifique de Renault, présent dans la salle, bondit aux allégations faites sur le retard français, comparé aux constructeurs étrangers, en matière de véhicules électriques. Il ajoute que « le groupe travaille sur l’optimisation du juste nécessaire pour les batteries, sur le complément gaz-méthane avec l’hydrogène, le biométhane, etc. et sur les alternatives au cobalt dans les batteries. »

Mais « personne ne peut progresser seul », explique Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui siffle la fin de la partie. « La réalité est qu’il y a une transition énergétique à mener. Il faut diminuer la part du nucléaire et supprimer le charbon. La réalité, c’est aussi l’adaptation au réseau car la production est atomisée. Notre place c’est aider le décideur à bien tâter l’avenir. Je plaide pour une programmation à 40 ans de ce qu’on met dans le renouvelable. Je dis “décidez, mais doutez”, à mes collègues parlementaires. »

Vincent Gobert

(1) Coénove est une association créée à l’initiative d’équipementiers, d’énergéticiens et d’acteurs du bâtiment pour apporter leur contribution au débat sur la transition énergétique.

(2) Union française des industries pétrolières.