« L’utilisation des données venues de l’espace, ce n’est pas un sujet qui préoccupe l’agriculteur au quotidien. Néanmoins, cela va permettre d’exercer le métier dans de meilleures conditions, notamment grâce à l’amélioration de la capacité d’anticipation. » Sans détour, Claude Cochonneau, président de l’APCA, a présenté les enjeux de la conférence « L’agriculture : prochaine frontière pour la politique spatiale européenne », organisée par le conseil de l’agriculture française ce mardi 10 juillet.
Tirer parti d’un signal gratuit et ouvert
Matthias Petschke, directeur du programme de navigation par satellite de l’Union européenne, insiste sur les avantages de Galileo par rapport à ses concurrents américain (GPS) et russe (Glonass). Le système de positionnement européen est une solution civile, ouverte à tous et gratuite, son financement étant à la charge des contribuables européens. Pour insister sur l’importance de disposer d’un système européen indépendant, Matthias Petschke a rappelé que 10 % du PIB dépend de la disponibilité d’un signal de navigation spatiale.
Pour le moment, le signal Egnos est encore basé sur l’américain GPS mais il va rapidement être fondé sur Galileo. Egnos est le service le plus utilisé par les agriculteurs français pour l’autoguidage et l’agriculture de précision. « Galileo est même plus performant qu’on ne le pensait, se félicite Mathias Petschke. Les deux tiers des appareils qui emploient un positionnement par satellite (GNSS), utilisent Egnos. En revanche, seuls 19 % des engins agricoles utilisent un dispositif GNSS. La marge de progression est donc colossale. »
Exploiter une cartographie réactive
Philippe Maisongrande du Cnes insiste sur les possibilités techniques offertes par l’exploitation des données collectées par les satellites. « Au-delà du guidage par satellite avec Galileo, l’intérêt de l’agriculteur se trouve aussi dans les images gratuites fournies très régulièrement par les satellites Sentinel du programme Copernicus » (lire notre article sur les possibilités de Sentinel).
La cartographie du stress hydrique quasiment en temps réel offre par exemple un réel potentiel pour l’agriculture ». Mais le chercheur reconnaît aussi que ces satellites ultraprécis peuvent aussi servir à surveiller les agriculteurs à distance, par exemple pour repérer des épandages en dehors des périodes autorisées.
Repenser le conseil agricole
Pour Hervé Pillaud, chef de file des agriculteurs connectés, l’intérêt du spatial est d’abord de donner une vision globale des choses. « Les agriculteurs peuvent mieux appréhender le marché avec une information potentielle sur chaque parcelle dans le monde. Dans le contexte de bouleversement climatique actuel, ces informations peuvent aider à calmer l’hypervolatilité des prix et à mieux gérer le risque ».
Hervé Pillaud, qui est aussi membre du Conseil national du numérique, attend beaucoup du programme spatial, notamment pour la mise en œuvre du contrat de solutions de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Mais pas seulement.
« La priorité pour l’agriculture de précision, c’est d’exploiter ces données gratuites fournies par le programme spatial européen et surtout de ne pas laisser les firmes mettre la main dessus, insiste l’agriculteur. Ces données à forte valeur ajoutée sont à portée de main et il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser. Mais cela implique de repenser le conseil agricole. Il faudra des gens capables d’exploiter ces masses de données, de mettre en œuvre l’intelligence artificielle et de nous proposer des plateformes de validation. »
Avec Galileo et Copernicus, l’armada spatiale européenne est prête et fournit des données qui ne demandent qu’à être exploitées. La balle est maintenant dans le camp des agriculteurs.